« OU EST PASSÉE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?»
De Geneviève AZAM, Économiste, Porte parole d’ATTAC France (Article publié dans l’Humanité Dimanche du 19 novembre 2015)
« Le réchauffement climatique présent et directement lié à la production et consommation d’énergie, notamment les énergies fossiles. Ces dernières sont responsables de 80% des émissions de GES.(gaz à effet de serre)
Le calcul du « budget carbone » indique que si nous voulons rester sous les 2° C d’ici à 2100, il nous reste à émettre environ 1000 giga-tonnes de CO². Or, si nous brûlions ce qui nous reste des réserves d’énergie fossile actuellement connues, on aurait des émissions cinq fois supérieure à ce que nous autorise le budget carbone.
Il est donc nécessaire de laisser sous le sol 80% de ces réserves.
Par ailleurs, 80% de l’énergie produite est consommée par 20% de la population mondiale, essentiellement dans les pays industriels.
Nous avons à penser une transition énergétique juste et souhaitable à partir des données, assurant le droit à l’accès à une énergie de qualité. Pour nombre de pays du Sud, le développement du solaire, du petit éolien, du petit hydraulique est une des voies pour assurer la diversité énergétique, l’accessibilité pour les communautés de base et la rupture par rapport à la dépendance aux énergies fossiles.
Cela implique un transfert de technologies assez important, et la levée de brevets portant sur ces technologies. Cela passe également par des initiatives sociales : au Rajasthan, par exemple, le Barefoot Collège, fondé par l’activiste indien Sanjit « Bunker » Roy, recrute des femmes de milieux ruraux, venues de plusieurs continents, pour les former à l’ingénierie solaire.
Réservoirs d’économies !
Par ailleurs, nos sociétés industrielles, malgré une production très abondante d’énergie, laissent plusieurs millions de personnes en précarité énergétique. Qu’elles accèdent à l’énergie est un autre enjeu de la transition ? Et celle-ci ne pourra se faire sans sobriété énergétique. D’autant qu’on a besoin pour produire des éoliennes et des panneaux solaires de métaux rares et d’autres minerais, aujourd’hui surexploités et qui risquent d’être épuisés.
En France, plusieurs scénarios, dont « négaWatté » montrent que nous pouvons diviser par deux notre consommation d’ici 2050, sans baisse de confort. Il y e an effet des nombreux réservoirs d’économies dans le bâtiment et le transport en particulier. Pourtant la transition énergétique en tant que telle n’est pas au cœur des négociations.
La « Bulle Carbone »
Nous attendons des mesures précises, en particulier l’arrêt des subventions aux énergies fossiles. Nous avons besoin également de règles précises pour organiser le désinvestissement dans ces énergies, notamment pour les banques comme BNP Paribas, sponsor de la COP 21, la première banque française dans le financement des fossiles, cinquième dans le monde.
Le mouvement de « désinvestissement » lancé par 350 organisations, est un outil de sensibilisation important pour réorienter ces financements.
Cette campagne trouve un certain écho car les actifs cotés en Bourse pour les énergies fossiles sont vraisemblablement surévalués.
Nombre d’organismes financiers commencent à craindre l’éclatement de cette « bulle carbone » et se posent la question de leur maintien dans ce domaine.
Sans attendre les résultats hypothétiques de la COP 21, nombre de citoyens et de collectivités sont engagés dans des expériences de transition, alliant sobriété, justice et efficacité énergétiques ; Régies municipales d’électricité, parcs éoliens citoyens, coopératives d’énergie comme ENERCOOP, fonds d’investissement participatif comme ENERGIE PARTAGE.
Le réchauffement climatique, son atténuation et l'adaptation à ses conséquences doivent devenir un grand laboratoire social.