IMPUISSANCE !
L’Europe face à la Chine ou l’impuissance volontaire
La lettre européenne du lundi par Romaric Godin
Alekseï Stakhanov a du souci à se faire. Bruno Le Maire, le ministre français de l’économie et des finances, écrit en effet plus vite que l’ouvrier ukrainien des années 1930 ne sortait du charbon des mines du Donbass. Trois mois après avoir publié un roman, le voici qui lance, ce mardi 2 avril, un essai intitulé Europe : le nouvel empire chez Gallimard. Il est aisé de deviner le thème central de ce nouvel opus : dans un monde dominé par les grands « empires », États-Unis et Chine, l’Europe doit suivre ce chemin et devenir la troisième grande puissance.
L’idée est d’ailleurs au centre de la « renaissance » européenne promue par la liste macroniste. Un de ses candidats, Bernard Guetta, expliquait ainsi son engagement européen sur LCI le 26 mars : « répondre à la compétition économique féroce des États-Unis et de la Chine ». L’hôte de l’Élysée a mis en scène cette détermination le 25 mars en recevant le président chinois Xi Jiping avec Angela Merkel. Tous deux ont réclamé un « partenariat gagnant-gagnant » avec Pékin, autrement dit le maintien des relations économiques moyennant une protection de certaines industries. Le pari est que les Chinois accepteront parce qu’ils sont sous la menace protectionniste étasunienne. Mais l’Europe n’est guère en mesure de faire ce pari. Et la faute en revient à ses choix économiques.
L’obsession de la compétitivité a rendu le continent, et notamment l’Allemagne, en position de dépendance forte vis-à-vis de la demande chinoise. Les derniers développements de la conjoncture le prouvent : « quand la Chine tousse, l’Europe s’enrhume. » Et de ce point de vue, le maillon faible est allemand. D’autant que les Chinois agissent pour se construire un espace économique propre et n’hésitent pas à prendre pied dans le jardin européen : hier en Afrique et en Grèce, aujourd’hui en Italie où le gouvernement a accepté de s’intégrer dans la « nouvelle route de la Soie ». Cette stratégie offre du reste à Pékin des chevaux de Troie qui affaiblissent l’unité européenne. Enfin, la Chine investit massivement dans les technologies d’avenir pendant que l’Europe compte surtout, pour des raisons idéologiques, sur des partenariats publics-privés qui, in fine, la mettent dans les mains des géants étasuniens. Bref, plutôt que d’écrire des livres, les dirigeants européens devraient surtout se soucier de changer de logique économique. Et s’interroger sur la poursuite d’une politique qui les tient impuissants face au monde.