Lorsque des médecins se battent eux aussi pour conserver les hôpitaux et les maternités de proximité au service de l'Humain et non de la finance.
Européennes: Anthony Gonçalves, médecin cancérologue,
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Cancérologue et enseignant à la faculté de médecine à Marseille (13), Anthony Gonçalves milite contre les fermetures d’hôpitaux de proximité.
À l’échelle européenne, il plaide pour la création d’un pôle public du médicament.
Le chef du service oncologie de l’institut Paoli-Calmettes de Marseille s’engage au sein de la liste européenne menée par Ian Brossat. Retour sur un parcours exceptionnel.
Il aurait voulu être journaliste « comme John Reed ». Il est devenu médecin « comme Che Guevara ».
Chez Anthony Gonçalves, impossible de séparer l’engagement professionnel d’une certaine vision du monde. Presque d’un certain romantisme. Finalement, c’est une aptitude particulière pour les maths qui l’a éloigné du premier destin pour le faire bifurquer vers le second.
Bac C, puis médecine. Comme un chemin bien balisé. « J’ai alors voulu faire une spécialité un peu cause perdue. Dans les années 1980, le cancer l’était. Il y avait tout à construire », se remémore-t-il autour d’un plat, entre midi et deux, près de l’institut Paoli-Calmettes, où il passe le plus clair de son temps.
Depuis 2018, il y est chef du département oncologie de l’un des plus importants centres de traitement du cancer en France après Gustave-Roussy, à Villejuif. Il avoue même : « Je passe ma vie ici… » Et pour les besoins de la campagne européenne, il ne bousculera pas son agenda. Il s’en rajoutera juste un peu. « Je ferai campagne le soir. Je ne vais pas arrêter mon activité. On n’est pas des professionnels de la politique. »
Le médecin oncologue n’a jamais caché ses opinions
Car Anthony Gonçalves est candidat. Pas sur une liste de droite, échappant ainsi au déterminisme sociologique du milieu médical. À gauche toute, même : au PCF. Il n’a pas longuement hésité lorsque proposition lui a été faite. « J’avais trouvé le choix de Ian Brossat comme tête de liste intelligent. » Lors du débat sur la « gauche anti-migrants, sa réaction claire et rapide m’avait impressionné par sa clairvoyance », explique-t-il.
La nouvelle n’a pas fait tomber à la renverse responsables et collègues. Le médecin oncologue n’a jamais caché ses opinions. Ne les a pas étalées non plus. Un entre-deux auquel il a mis fin il y a quelques années. Pour nous permettre de comprendre, il reprend le fil de l’histoire familiale, à partir de ses grands-parents.
Trois sont immigrés (deux du Portugal, l’une d’Italie), le quatrième aïeul étant originaire de Corse. Son grand-père paternel est arrivé du Portugal. Il était coiffeur et militant communiste. Son fils est coiffeur. Encarté au PCF mais pas militant. « Depuis tout petit, j’ai été politisé. J’ai baigné dans la culture et la mythologie de l’engagement. À 15 ans, j’ai commencé à lire l’Huma. Le peu de culture que j’ai, je l’ai acquis dans l’Huma », expose-t-il entre deux coups de fourchette dans son escalope milanaise. D’où une appétence pour le journalisme, finalement contrariée par des dispositions en mathématiques.
La dédicace de sa thèse de médecine à « Jean-Jacques, Maximilien, Karl, Ernesto et Nelson » ne laissait déjà aucun doute sur sa philosophie politique. Son « coming out » politique se fera pourtant bien plus tard. Le terme proposé le fait sourire. C’en est un sans l’être vraiment. « Dans les discussions en soirée professionnelle, j’étais le « coco » de service », relate-t-il. Depuis quelques années, il est un « coco » au grand jour. Candidat en 2017 à l’élection législative dans la circonscription marseillaise dans laquelle il vit et travaille.
Désormais candidat sur la liste de Ian Brossat pour le scrutin qui se tient le 26 mai. Quand on tente de comprendre cet engagement public tardif, il ne se dérobe pas : « C’est intervenu à un moment particulier dans ma vie. J’étais arrivé, d’une certaine façon, au terme d’un parcours professionnel, dans lequel je m’étais engagé après le bac. En devenant professeur des universités en 2013 puis chef de département. Je ne pouvais plus rien préparer d’autre. Cela a correspondu aussi avec la mort de mon père, en 2014. D’un cancer. Ici, à l’institut. Le pire pour un oncologue. » Reprise de flambeau ? « Il y a un peu de ça », admet-il. Et un peu aussi servir « d’exemple », de boussole, à de jeunes étudiants ou médecins, à l’image des « anciens » qui ont pu guider ses pas. Dans le service, il ne se donne évidemment pas des airs de mandarin et, portant le plus souvent des jeans, il apparaîtrait à un œil extérieur comme l’un des médecins. Primus inter pares. Septième sur la liste communiste.
Dans l’entourage professionnel, sa montée au front électoral a plutôt suscité des réactions positives. « On ne peut pas m’accuser d’opportunisme, s’amuse-t-il.
Cela lève l’hypothèque. » Septième sur la liste communiste, il insiste, en bon connaisseur, sur le thème de la santé. « Je parle tous les jours avec l’industrie pharmaceutique afin d’élaborer de nouveaux médicaments qui correspondent aux nouveaux traitements que nous élaborons. Je n’ai pas de problème avec elle, je ne la diabolise pas, glisse-t-il.
Mon problème est lié à l’absence de maîtrise publique. On ne peut laisser cette question essentielle à la seule industrie. Pour moi, l’Europe constitue la bonne échelle pour la mise en place d’un pôle public du médicament. Car, si on n’y prend garde, le prix des médicaments va devenir un réel problème, comme il l’est déjà aux États-Unis où l’explosion du prix de l’insuline menace les soins aux diabétiques. » Pour lui, la règle d’or doit être celle qui a présidé à la création de la Sécurité sociale : « À chacun selon ses besoins, à chacun selon ses capacités. » Il rêve même d’une extension de cette règle à l’ensemble des activités : logement, éducation. Il esquisse un sourire.
Cela ne lui a pas échappé : « À la fin, cela porterait le nom de communisme. »