RÉFORME DES RETRAITES
par Ousmane Mbaye
lls étaient environ 15 000 dans les rues dans les rues de Lille, ce jeudi 9 janvier, pour quatrième journée de mobilisation interprofessionnelle nationale contre le projet de réforme des retraites. Dans les autres villes de la région, la mobilisation est demeurée à un bon niveau avec des actions spécifiques comme le blocage de la gare SNCF à Dunkerque. A chaque fois, le slogan dominant est le même : retrait du projet.
« Je gagne 3000 euros par mois en moyenne, en comptant le 13 ème , le14ème mois, l’intéressement et la participation ». Cadre dans une société de transports, Alain (40 ans), n’a pas toujours connu ce niveau de vie. « Je viens par solidarité parce que je sais ce que c’est que de vivre -ou survivre- avec le smic. Ce qui m’a le plus choqué quand j’étais dans cette situation c’était de faire les encombrants pour chauffer ma maison et réaliser des économies. Je suis là aussi pour l’avenir de mes enfants. »
Au sein du cortège, les visages sont déterminés. Les organisations syndicales gagnent leur pari. CGT, FO, CFE-CGC, FSU, Solidaires, UNL, UNEF.... Jeunes, moins jeunes, étudiants... Ils portent haut leur rejet total du projet. Les organisations politiques ne sont pas e. Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, défile derrière la banderole rouge en compagnie de la secrétaire fédérale du Nord Karine Trottein, de la sénatrice du Pas de Calais Cathy Apourceau-Poly, du sénateur du Nord Eric Bocquet. Ce dernier avait assisté le matin même, face à la gare Lille Flandres, à l’Assemblé générale des cheminots CGT. Les camarades du Parti des travailleurs belges (PTB) sont présents.
Aux alentours de 15 heures, devant la gare Lille Flandres, la situation se tend. Face à un cordon de police sur le qui-vive, des manifestants crient des slogans hostiles. Après un temps d’arrêt comme pour mieux défier les forces de l’ordre, un mouvement de foule survient. La police n’a pas riposté. Les blacks-blocks sont à l’œuvre pour casser la dynamique des opposants à la réforme. Peu importe. Les opposants à la réforme avancent, massivement.
Jade, 26 ans enseignante à Roubaix qui manifeste contre la réforme des retraites après s’être mobilisée l’an dernier contre la réforme du bac « attend que Macron écoute ce que la rue a à dire » tout en rappelant que ce manque d’écoute faisait déjà défaut à son ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer. « Les programmes sont le reflet du manque de cohérence du gouvernement par rapport à la retraite. Sur la retraite ça nous amène à penser au futur et à tous les autres projets de loi qui vont pourrir notre futur. Ils cherchent à déclasser le service public » ajoute Etienne (27 ans), professeur d’arts plastiques.
La manifestation suit son cours mais plus on progresse dans le parcours, plus la tension monte. Le deuxième point chaud se situe au bas de la rue Faidherbe. Les militantes féministes Marianne n’hésitent pas à quitter le cortège pour défier du regard, un autre cordon de police. Rejointes par des Gilets Jaunes, elles frôlent les forces de l’ordre qui ne bronchent pas. Plus tard, les casseurs continuent leur tentative de pourrissement du mouvement. Mais le projet de réforme est une affaire trop sérieuse. Le peuple sait ce qu’il ne veut pas.
Hélène Fontaine, jusque-là bâtonnier du barreau de Lille, est désormais présidente de la Conférence des bâtonniers, l’instance nationale qui regroupe les barreaux régionaux. Élue en juillet 2019, elle a pris ses fonctions le 1er janvier, juste au moment où, en lien avec le barreau de Paris, les avocats entrent dans le mouvement de grève contre le projet de réforme des retraites. Dans la région comme dans l’ensemble du pays, le mouvement est très dur. Avec le bâtonnier de Paris et le président du Conseil national des barreaux (163 barreaux en France et en outre-mer ), elle veut faire entendre des avocats face à la ministre de la Justice, Nicole Belloubet. Entretien.
Quelle est la spécificité de votre combat ?
Le gouvernement veut que les avocats intègrent le régime universel des retraites qu’il entend mettre en place. Or, nous n’avons pas de régime spécial mais un régime autonome. Après la guerre, comme on ne voulait pas des avocats dans le régime général, ces derniers ont créé leur propre caisse. Cette caisse est bien gérée, nous ne demandons rien et nous ne devons rien au gouvernement et notre régime est excédentaire. Nous voulons garder notre autonomie. Le gouvernement invoque, comme pour tous les autres régimes, la notion de solidarité. Nous sommes solidaires ! Comme nous sommes excédentaires nous reversons de l’argent au régime général. Ensuite, notre régime pose sur le principe d’une retraite de base de 1 400 euros quelle que soit la façon dont les avocats exercent leur métier, seuls ou au sein d’un grand cabinet. Or, le gouvernement veut augmenter notre taux de cotisation en le faisant passer de 14 % à 28 % et ramener notre retraite de base à 1 000 euros.
Des compensations ne sont-elles pas prévues ?
C’est ce que nous dit le gouvernement qui parle en effet de compensations et de diminution de la CSG. Mais il n’existe aucune certitude. Tout est flou. Alors que l’on nous parle de dialogue, nous avons au contraire l’impression que notre profession n’est ni comprise, ni écoutée. C’est d’ailleurs ce qui explique notre colère. Le principe d’une retraite universelle, qui peut a priori paraître juste, est en réalité parfaitement injuste. Les petites structures ne vont pas supporter l’augmentation des cotisations et risqueront de mettre la clé sous la porte. Nous ne pouvons l’accepter.
La grève des avocats est très suivie. Quelles sont les perspectives ?
Nous voulons renouer le dialogue avec la ministre de la Justice. Il faut que nous puissions avancer. Cela concerne l’avenir des jeunes avocats, mais cela concerne aussi l’ensemble des citoyens. Dans les Hauts-de- France , il n’y a pas de gr. Nous avons surtout affaire à des cabinets de taille moyenne et à de nombreux avocats qui travaillent seuls, parfois même sans secrétaire. Dans cette région comme ailleurs, de nombreux cabinets pourraient ainsi être touchés par cette réforme. Ce ne serait pas sans conséquence sur l’accès au droit des citoyens