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Cellule PCF ''Plantive'' de Saint-Saulve

« ON NE POURRA PAS DIRE QU’ON NE SAVAIT PAS ! »

18 Décembre 2020, 11:11am

Publié par Cellule PCF de Saint-Saulve

(Photo : © Capture d’écran/Premières lignes télévision)
(Photo : © Capture d’écran/Premières lignes télévision)

(Photo : © Capture d’écran/Premières lignes télévision)

APRÈS LE REPORTAGE DE CASH INVESTIGATION

À L’HÔPITAL DE VALENCIENNES

Par Philippe Allienne  -Liberté-Hebdo

Il n’y a pas à dire, le magazine consacré à l’enquête journalistique d’Élise Lucet, Cash Investigation, a produit un effet bœuf en mettant en relief les manquements en matière de propreté et d’hygiène de l’hôpital de Valenciennes. La direction du Centre hospitalier est furieuse, la société de nettoyage est injoignable, les salariés espèrent un changement. Mais l’austérité budgétaire demeure.

C’était le 10 décembre dernier. Les spécialistes et, surtout, les syndicalistes comme la direction du Centre hospitalier de Valenciennes attendaient avec impatience le reportage-enquête réalisé par Marie Maurice pour Cash Investigation. « Personne ne l’avait visionné avant sa diffusion sur France 2 », assure Émile Vandeville, secrétaire général de l’Union locale CGT de Valenciennes.
 

Nul, parmi les gens concernés au niveau local, n’avaient sans doute vu le travail de la journaliste infiltrée dans l’équipe de la société de nettoyage Onet. Mais les informations qui avaient filtré ne laissaient aucun doute quant à un petit tsunami local. À commencer par un commentaire d’Élise Lucet elle-même qui se disait « stupéfaite » par des pratiques de nettoyage très douteuses (notre édition 1458 du 11 décembre).

Le sens d’une externalisation

Dans ce reportage, pour lequel Marie Maurice enfile le costume d’un agent de nettoyage de la société Onet et travaille, durant quatre jours, au Centre hospitalier de Valenciennes, nous découvrons les effets des économies budgétaires (qui vont jusqu’à la réduction du nombre de balais et autre matériel) sur les conditions de travail des salariés et - c’est suggéré - sur la santé des patients de l’hôpital.
 

Par-delà toutes les questions et inquiétudes que pose le reportage de Marie Maurice, le secrétaire de l’UL CGT, Émile Vandeville, s’interroge sur la pertinence de l’externalisation des services hospitaliers. Il l’a répété à plusieurs reprises lors d’une conférence de presse ce 16 décembre à Valenciennes :

« Nous ne pouvons nous satisfaire du fait que cette mission de nettoyage soit externalisée. Ce n’est pas, reconnaît-il, qu’il n’y aurait pas de problème si ce service était demeuré intégré à l’effectif salarié du centre hospitalier. Mais quand l’hôpital fait le choix d’externaliser, c’est pour des raisons de rentabilité. Pour un hôpital public, cela n’a aucun sens ! »
 

Pour ce sujet précis du nettoyage, l’externalisation (décidée avant la nomination de l’actuelle direction de l’hôpital) a pour effet de reporter sur le prestataire de service, la société privée Onet, la responsabilité des problèmes relevés par Cash Investigation. Sauf que cela ressurgit inévitablement sur l’image de l’hôpital ainsi pris dans les mailles du piège libéral.
 

Pour se défendre, le directeur du centre hospitalier, Rodolphe Bourret dénonce un reportage à charge (sans l’avoir encore vu). Son service de communication développe : « Notre prestataire, la société de nettoyage Onet a embauché, à son insu, au mois de juillet 2019, un membre de l’équipe de la société de production Premières Lignes. Cette personne, Marie Maurice, est restée trois jours en emploi saisonnier dans notre hôpital dans un contexte social mouvementé chez les personnels de cette société de nettoyage jusqu’à ce que son identité ne soit découverte. Les revendications salariales des employés des sociétés de nettoyage ne relèvent pas de la gestion de nos services. »

Défense préventive et réalité de terrain

Certes, mais en l’occurrence, c’est bien l’hôpital qui est donneur d’ordre. La direction ne peut ignorer les conditions de travail du personnel d’Onet. Pas plus que la Ville de Valenciennes dont l’adjoint au maire, Armand Audegond, est président du conseil de surveillance de l’établissement. « La réponse du directeur général [tendant à rejeter toute responsabilité sur la société privée – ndlr] relève de la communication, souligne Émile Vandeville. On ne plus accepter cela. »

Pour tenter de discréditer plus encore le travail de la journaliste Marie Maurice, le directeur général a pointé une confusion entre le « nettoyage ordinaire », c’est-à-dire l’entretien de surface, et le « bionettoyage » (la désinfection). Voilà qui fait s’étrangler la déléguée syndicale (CGT) d’Onet, Mélanie Dinato : « En douze ans d’expérience, je n’ai jamais connu de nettoyage normal ».  Et pour cause. Nous nettoyons les chambres, mais aussi les parties annexes. Or, les patients ne sont pas que dans leur chambre. Ils se promènent dans les couloirs, dans le hall, etc. Alors, nous ne faisons que de la désinfection ! »

À l’évidence, Rodolphe Bourret a avancé une défense préventive sans savoir que la journaliste avait bien travaillé dans les chambres comme tout le personnel d’Onet. Ses observations sont donc vérifiables et vérifiées. Mais les problèmes liés à l’hygiène et aux risques de maladies nosocomiales évoquées par la patronne de Cash Investigation (rappelons que le reportage a été réalisé avant la pandémie de Covid-19) soulèvent la question de la course à la rentabilité de l’hôpital et de l’Objectif national de dépense d’assurance maladie (Ondam) du gouvernement avec les restrictions budgétaires imposées depuis des années.

Voilà qui nous replonge dans les revendications du personnel hospitalier qui se bat depuis longtemps pour obtenir davantage de moyens et de meilleures conditions de travail. Lorsque le secrétaire de la CGT dénonce un langage et une politique de communication, il a parfaitement raison.

En 2008, le centre hospitalier a inauguré son agrandissement en vantant, face à la ministre de la Santé de l’époque, Roselyne Bachelot, ses équipements modernes. À grands renforts de com’. Douze ans plus tard, il se targue d’un excédent de 5 millions d’euros et d’être un très bon élève en matière de gestion. Ce faisant, il est champion pour l’embauche de contractuels (40 % de son effectif pour une moyenne nationale de 20 à 23 %). Il a été pilote pour externaliser ses services non soignants, à commencer par la logistique.

Pas des bisounours

Dès lors, le recours à une société de nettoyage privée est la conséquence de cette politique. Et Onet doit elle aussi répondre à des objectifs sévères de rentabilité. Ainsi, l’entreprise, qui emploie 110 salariés en CDI pour 75 en CDD, mais avec beaucoup de temps partiel dans tous les cas, économise dans tous les domaines.

« Quand nos tenues professionnelles ont été mises en place, les CDI en disposaient de 11 par semaine, se souvient Mélanie Dinato. Mais il n’y en avait pas pour les CDD, on a pioché dans notre stock. »

C’est en regardant le reportage de Cash Investigation que la déléguée syndicale a découvert que les employés en CDD devaient s’acheter leurs chaussures professionnelles (40 euros la paire). « Elle ne sont pas remboursées parce que, nous objecte-t-on, nous ne vivons pas dans une société de bisounours ! »


Même chose pour les formations. Depuis 2016, leur durée a été réduite de moitié. Surtout, les nouveaux arrivés peuvent attendre longtemps et se forment sur le terrain. Les salarié·es revendiquent une rémunération « juste », à hauteur de leur travail. Or, les salaires stagnent, suivant les catégories, entre 10,5 et 10,78 euros de l’heure.


Quant au rythme et aux conditions de travail, Mélanie Dinato le dit sans ambiguïté. « Jamais Onet ne nous demande un temps précis pour nettoyer une chambre. Nous devons en faire cinq par heure. Dans les faits, il faut en faire davantage alors que pour exécuter correctement notre travail il faudrait limiter le nombre de chambres à trois par heure. »


Le tout à l’avenant. Les CDI à 35 heures se font de plus en plus rares et les CDD n’osent pas réclamer le paiement des heures supplémentaires. Le 13ème mois demeure un rêve et, en cas de maladie, la période de carence est de sept jours pour les employés, trois jours pour les cadres.

« On nous promet monts et merveilles, mais on ne voit toujours rien venir », constate la déléguée syndicale. Et si, comme ses collègues, elle avoue que le reportage de Cash Investigation lui a fait mal au ventre, elle reconnaît qu’il montre la réalité. « À la direction de l’hôpital, on ne pourra plus jamais dire qu’on ne savait pas », conclut Émile Vandeville.

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