RÉINDUSTRIALISER, MAIS COMMENT ?
De quelle réindustrialisation parle donc la ministre en charge de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher ?
Elle l’avait dit à Lyon, au début de ce mois de septembre, et l’a répété lorsqu’elle est venue à Saint-Saulve pour visiter l’usine Ascoval : il s’agit de passer du « quoi qu’il en coûte » à une « politique industrielle d’avenir ».
Cela passera, pour elle, par un travail sur les coûts de production, le financement des startups industrielles et la formation aux métiers de l’industrie. Elle n’oublie pas les secteurs d’avenir comme la production de batteries électriques ou la microélectronique.
À la différence de l’Allemagne, de la Suisse ou de l’Italie, la France a raté le virage des machines-outils, explique la ministre. Alors, il lui faut réussir le virage de « l’industrie du futur » avec ses technologies de machines à commande numérique, la fabrication numérique, les robots et autres capteurs permettant de « gérer en temps réel la production et de réaliser de la maintenance productive ».
( encore faut-il que les fournitures de semi-conducteurs, et des composants électroniques importés, arrivent en temps et en heure dans les unités de fabrication en France ! )
Voilà, avec les relocalisations, les grandes lignes du plan « France 2030 » que veut le président Emmanuel Macron et tel qu’il l’a annoncé. Il s’agit en fait d’un nouveau plan d’investissement qui doit compléter le plan de relance pour 2021 et 2022.
Mais concrètement, les contours demeurent flous. Dans les Hauts-de-France, que peut-on espérer ? Si les salariés d’Ascoval retrouvent le sourire après la reprise de leur usine par le sidérurgiste allemand Saarstahl, la région demeure marquée par la fermeture de Bridgestone, à Béthune, et de Maxam Tan à Mazingarbe. À Haubourdin, près de Lille, on connaît le sort de Cargill.
Lorsqu’elle vient parler réindustrialisation et relocalisation, Madame Pannier-Runacher sait bien qu’il n’y aura plus de fabrication de pneumatiques dans la région. Le japonais Bridgestone a préféré la solution, précisément, de la délocalisation.
À Douvrin, la fin de la Française de mécanique est annoncée pour 2030. On semble donc plutôt aller vers une poursuite de la désindustrialisation et non vers des projets de réindustrialisation ou de relocalisation.
En fait, le gouvernement fait le pari d’une réindustrialisation liée à la transition énergétique et à la décarbonisation de l’industrie. Certes, mais les usines de batteries électriques annoncées dans les Hauts-de-France ne suffiront pas à répondre aux besoins en matière d’emploi.
C’est au besoin réel en matière d’industrie qu’il faut s’intéresser. Pour l’heure, on parle plutôt de mutation de l’activité économique. C’est encore ce qui apparaît quand on considère les projets logistiques en cours de développement. Or, la logistique se fonde sur une logique d’importation. C’est l’inverse de la logique d’une implantation industrielle.
DANS LES HAUTS-DE-FRANCE
La nouvelle est tombée en août dernier, alors que 80 % des salariés étaient en congés. L’usine Schaeffler, à Calais, a annoncé son intention de vendre ses activités liées aux chaînes de distribution pour moteurs thermiques. L’acquéreur est un investisseur bavarois.
La sénatrice communiste du Pas-de-Calais, Cathy Apourceau-Poly a écrit à la ministre de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher pour la questionner sur le devenir des 280 salariés en CDI et des 40 CDD.
Cette information est un des exemples qui viennent contrarier les grandes envolées gouvernementales sur les projets de réindustrialisation du pays. Car se débarrasser des moteurs thermiques au profit du tout électrique ne conduit pas forcément à une réindustrialisation vertueuse.
Selon le syndicaliste (CGT) Ludovic Bouvier, le passage du véhicule thermique au véhicule électrique se traduirait par 140 000 suppressions d’emplois.
D’autant que, pour remplacer les entreprises qui ferment ou délocalisent, comme Bridgestone à Béthune, il faut de gros investissements. Les usines de batteries électriques qui sont prévues dans le secteur ne combleront sans doute pas les pertes d’emploi. Même chose pour des entreprises comme l’usine de rechapage qui s’installe sur le site de l’ancien spécialiste du pneumatique : elle n’emploiera que 60 à 120 personnes.
« Si l’on réduit la production de véhicules, il y aura fatalement des conséquences pour les équipementiers », prédit Bertrand Péricaud, l’assistant parlementaire de Cathy Apourceau. D’ores et déjà, de grosses inquiétudes planent sur l’entreprise Faurécia, à Auchel.
Dans la région, d’autres entreprises souffrent en raison de la facture énergétique. Cela semble bien être le cas pour le verrier « Arc International ». L’entreprise avait été recapitalisée. Elle s’était engagée à terminer l’année avec 30 millions d’euros. Il lui en manquera 20.
« La hausse du prix du gaz est très douloureuse pour les entreprises », dit encore Bertrand Péricaud. Arc International fonctionne avec des fours alimentés au gaz.
Parmi les projets qui émergent dans la région, on distingue une plateforme logistique qui créera 500 emplois à Bully-les-Mines et une plateforme d’Amazon à Calais avec 250 emplois à la clé.
Mais encore une fois, on est loin des projets de réindustrialisation. D’autant que la logistique est davantage tournée vers une logique importatrice. Tout le contraire d’un tissu industriel qui est orienté vers l’exportation.