Denain une ville qui compte 30% de chômeurs et dont les citoyens ne font plus confiance aux politiques qui nous gouvernent !!
DENAIN- Le nouveau centre aquatique et l'ancienne piscine Gustave Ansart qui fut mise à la disposition par la ville , pour les personnels soignants lors du confinement suite à la pandémie Covid en 2020
A DENAIN, LE MANQUE D'ESPOIR ENTRAVE
LES ASPIRATIONS DE GAUCHE.
Une enquête de DIEGO CHAUVET - L'HUMANITE DIMANCHE du 20 janvier 2022
Cette circonscription de l'ancien bassin minier cumule les contradictions. Ici, l'extrême droitisation qui s'exprime lors des scrutins nationaux cache mal de réelles préoccupations sociales détournées par le confusionnisme politique.
Dans la salle d'un restaurant de Bouchain, deux perroquets gris du Gabon énoncent l'air du temps dans la région :
« Macron, c'est un con », répètent-ils devant les clients qui ne son pas étonnés, « C'est mon mari qui leur a appris », explique la patronne.
Les deux volatiles résument bien involontairement l'état d'esprit d'une population pour laquelle le président de la République n'est pas au faite de sa popularité.
Chez les électeurs, ce rejet se traduit de façon assez hétéroclite selon les scrutins. Très populaire, la circonscription, dont la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, a un député RN, Sébastien Chenu. Le canton a, lui, élu deux communistes, Michel Lefebvre et Isabelle Denizon. La mairie du chef-lieu, Denain, est socialiste… Droitisation donc ? Ce n'est pas évident.
« Tout augmente, sauf les salaires »
Près de Bouchain, on trouve une autre petite commune, Marquette-en-Ostrevant, Ici, marine Le Pen a réalisé 62,52 % au second tour de la présidentielle de 2017 ( 41,62 % au premier tour), suivi de Jean-Luc Mélanchon avec 21,22%.
Selon une élue qui préfère rester anonyme, la municipalité est plutôt de « tradition socialiste ». Le maire nous indique liste, la seule en lice en 2020, est »apolitique ».
Une certaine gêne se fait sentir à propos des résultats électoraux nationaux, en décalage avec la vie politique locale. Certains comme Jacques, retraité de 75 ans accoudé au rebord de la fenêtre, tient des propos très à droite. « Les jeunes sont des fainéants », peste-t-il. Ses voisins aussi. Lui ne roule pas sur l'or et a connu une vie de labeur, travaillant dans un garage automobile et arrondissant les fins de mois comme agent de sécurité. « Moi, mes enfants, ils bossent tous. Je leur ai appris à bosser.
Les autres pour la plupart, ils n'ont jamais tondu une pelouse. Tout ça, ça m'énerve quand même. »
* Pour jacques, ici « on est plutôt Marine Le Pen. On devient révolutionnaire, forcément », lâche-t-il. A l'écouter, sa « droitisation » à lui n'est pas récente.
* Michel, jeune homme de 27 ans au RSA, se montre beaucoup plus souriant en conscient des réalités sociales qui frappent les habitants de la région. « Tout augmente, sauf les salaires », explique-t-il.
C'est même la préoccupation première ? « Je suis à la recherche d'un emploi. Je suis cariste au départ, mai sils ne veulent pas me reprendre. J'ai donc entamé une formation de soudeur. Mais le Covid me bloque. »
« Si la politique lui passe au dessus de la tête », Michel attend tout de même de voir un peu plus de policiers, et davantage de services publics.
« Il nous faudrait un médecin en plus ici. » Ses préoccupations touchent principalement à la vie sociale. Sa sensibilité politique ? Il nous répond du tac au tac ;: « je suis de gauche. Je vote Marine Le Pen,. J’ai toujours voté pour elle » Comme un symbole.
Nostalgie pour les emplois-jeunes.
A Denain, le quartier populaire de Toulouse-Lautrec compte également son lot de retraits pauvres, de travailleurs au SMIC et de demandeurs d'emploi aux minima sociaux. Communiste pendant trente ans, la ville est socialiste depuis 2008. Ici aussi, le confusionnisme politique touche notamment les jeunes électeurs.
* Amma, jeune ouvrière de 25 ans, travaille chez Toyota ou chez Amazon en fonction des contrats. ' Les gilets jaunes, àa a été le gros bordel. Mais il le fallait. Et ce serait bien qu'ils reviennent », selon la jeune femme. Elle se dit triste de voir galérer les étudiants », regrette les emplois jeunes, et fustige quand même » les aides données à des personnes qui ne le méritent pas » allusion à ceux qui s’accommodent du RSA.
En 2017, elle a voté pour Jean-Luc Mélanchon au premier tour. Puis pour marine Le Pen au second. Avant de soutenir Sébastien Chenu (RN)à la législative…
Pour 2022 ,elle ne sait pas encore bien. Pourquoi pas à nouveau Mélanchon. Mais Marine Le Pen, « elle parle beaucoup du monde du travail », précise-t-elle. Son père Jamel, d'origine tunisienne, estime lui, qu'il y a beaucoup de chose à changer, et d'abord les inégalités ». Mai sil ne voit personne pour faire ça.
A Chabaud-La-Tour, il y a aussi les anciens du quartier , comme Guy. Pour lui ici, « ça devient Chicago », malgré le calme ambiant. Cette année, je crois que je vais entrer au bureau de vote, en faire le tour, et repartir sans mettre de bulletin », prévient le retraité. « Chaque fois qu'on vote pour quelqu'un, on est sanctionné derrière »
« Avant, il y avait beaucoup d'anciens mineurs », raconte une autre retraitée, installée depuis près de quarante ans dans ce quartier de Denain ? « Aujourd'hui, on a beaucoup de « Cassos ». Elle évoque les cloisons de séparation entre son logement et celui de son voisin, trop fragiles, qui suscitent des tensions au moindre déplacement de meuble.
Un climat et des changements dans la population du quartier qui placent pour elle la question de la sécurité en haut de ses préoccupations…
dans cette mairie de gauche, on croise aussi des habitants contents de leur maire, comme Annie et Brigitte. « Elle fait beaucoup de choses ici », nous dit l'une d'elles, ancien agent de police municipale qui vit avec une retraite de 1000 euros pour « quarante ans de travail ». Pour les deux femmes, en avril, ce ne sera en tout cas »ni Le Pen, ni Zemmour, ni Macron ». « Je croyais qu'il était de gauche », dit Annie en riant...
Le RN en boucle sur les chaînes d'info.
Enter confusionnisme, choix plutôt à gauche pour les scrutins locaux, colère sociale retournée sur le voisin du RSA, difficile donc de parler de réelle »droitisation ». Une telle conclusion révélerait plutôt d'une erreur de lecture de ce que disent les gens. Pour Isabelle Denizon, conseillère départementale (PCF) du canton, « lorsque les smicards s'en prennent à ceux qui sont au RSA, c'est parce que les salaires sont trop bas. Ils pensent que al gauche n'aide que ceux qui ne travaillent pas ».
« Les gens ici restent sensibles aux valeurs de gauche, mais votent beaucoup à l'extrême droite », explique l'élue. Elle fustige les chaînes d'info en continu, sur lesquelles le député RN passe souvent. Son homologue communiste Fabien Roussel, député du Nord de la circonscription voisine est candidat à la présidentielle, il n'est pas maladroit dans l'exercice. Il a fait de la reconquête des classes populaires une priorité. Et il y a du travail.
Les partis politiques sont moins sur le terrain, faute de militants. « Un triangle des Bermudes politique » disent certains d'entre eux. Des « comités des jours heureux » en soutien au candidat communiste s'organisent cependant.
Nous discutons beaucoup avec les gens mais de façon individuelle, puisqu'on ne peut pas avoir de moments collectifs à cause de la pandémie, c'est un travail de précision », précise Isabelle Denizon. Au delà de ceux qui votent à l'extrême droite, il reste les plus nombreux que nous ayons croisés : ceux qui ne votent tout simplement plus, parfois depuis longtemps. Valeurs de gauche et intérêts de classe sont bien là , enfouis à al fois dans la colère et la résignation . La gauche est mise au défi d'incarner enfin un nouvel horizon.