CEUX QUE L’ON TRAITE BIEN SONT LES ACTIONNAIRES !
Délégué syndical CGT du groupe Korian, Nour-Eddine Aghanbou réagit sur le dossier des maltraitances dans les Ehpad privés.
Les révélations sur les établissements du groupe Korian vous surprennent-elles ?
Non, pas du tout. La CGT a déjà dénoncé de telles pratiques depuis des années. Mais on nous répond que ce n’est pas vrai et on nous accuse de dénoncer une maltraitance faite par nos collègues.
En fait, ce que nous dénonçons, c’est la maltraitance institutionnelle. Aujourd’hui, c’est l’institution qui pousse les soignants à commettre ces actes. Regardez par exemple comment cela se passe en cuisine. Quand un chef cuisinier dispose de 4,60 euros par jour et par résident, repas du matin, goûter et dîner compris, comment voulez-vous qu’il fasse ? Même chose pour les soignants.
Les effectifs sont trop peu nombreux et cela se répercute inévitablement sur les soins avec les négligences que cela suppose. Donc j’insiste bien, ce ne sont pas nos collègues qui sont maltraitants, c’est l’institution qui maltraite le résident et le salarié. Et puis, il ne faut pas perdre de vue que ces groupes privés comme Orpea ou Korian dégagent des bénéficies.
Pas plus tard qu’hier [mardi 8 février – ndlr] la directrice générale de notre groupe, Sophie Boissard, a annoncé avoir distribué 50 millions de dividendes aux actionnaires l’an passé.
Elle a également affirmé que les maltraitances dénoncées relevaient de cas isolés. C’est du déni ?
Comment parler de cas isolés quand une avocate, Me Saldmann, nous apprend avoir connaissance d’une quarantaine de plaintes venant de familles dont un parent est chez Korian et 161 concernant Orpea ?
Et il ne s’agit que des dossiers traités par cette avocate ! En fait, Victor Castanet, l’auteur du livre Les fossoyeurs, dénonce un système. On ne doit pas faire de l’argent sur les personnes âgées, sur nos anciens. On doit les respecter. Quand on parle de rentabilité, j’ai du mal à entendre. On ne peut pas faire des économies sur l’humain.
C’est pour cela que la CGT milite contre le système marchand. On veut que ce soit un service public. En plus, nous travaillons dans le privé, mais les salaires des soignants (infirmiers, aides-soignants, médecins) sont payés par l’État, c’est-à-dire par les ARS et les conseils départementaux. Les matériels médicaux, les protections (comme les gants) sont pris en charge par la Sécurité sociale. Durant le Covid, l’État a payé la prime Covid aux Ehpad privés.
En fait, chez nous, ce sont les actionnaires qui sont bien traités. Les salariés et les résidents passent au second plan. Et il ne faut pas oublier que les directeurs ou directrices des Ehpad privés n’ont pas grand-chose à dire. Ils et elles subissent la pression des actionnaires et sont aussi en souffrance.
Combien gagnent les soignants ?
Selon les grilles de salaires chez Korian, une aide-soignante gagne 1 500 euros net et une infirmière 1875 euros, net également.
En 2020, la négociation annuelle obligatoire (NAO) s’est soldée par un échec. Aucun syndicat n’a signé car Korian n’a rien voulu lâcher pour les augmentation de salaires alors que nous étions en pleine crise. Mais les actionnaires ont bien perçu leurs dividendes : 54 millions ont été distribués.
Propos recueillis par Philippe ALLIENNE
* Les syndicats, le collectif CGT Korian, l’Union fédérale de la santé privée, les syndicats CGT de la santé privée et le collectif confédéral Femmes/Mixité, appellent à la grève générale, débrayage, actions diverses le mardi 8 mars à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. Pour Paris et la région parisienne, rendez-vous devant le siège d’Orpea à partir de 10 h, 12, rue Jean-Jaurès, à Puteaux. Pour les salariés et salariées en région, il faut se rapprocher des USD – UL ou UD pour définir un lieu de rassemblement.
UNE AVOCATE POUR LES VICTIMES DES EHPAD
L’avocate parisienne avait déjà sur son bureau le dossier des pensionnaires subissant de la maltraitance dans les établissements du groupe Orpea.
Après publication du livre « Les fossoyeurs » du journaliste Victor Castanet, elle dit avoir reçu des dizaines de témoignages de familles mettant en cause les Ehpad d’un autre groupe privé : Korian.
Elle s’apprête à lancer, en avril, une action collective pour des soupçons de maltraitance. Les problèmes rencontrés sont les mêmes que ceux constatés chez Orpea : dénutrition, déshydratation, hygiène, humiliations, absence d’humanité, etc.
Sarah Saldmann estime que si cela n’est pas nouveau, l’enquête minutieuses de Victor Castanet a servi de déclencheur. Face aux demandes des familles, elle a décidé de les défendre comme elle le fait pour celles d’Orpea. « Je me suis dit qu’on n’allait pas les laisser sur le carreau », explique-t-elle.