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Cellule PCF ''Plantive'' de Saint-Saulve

FABIEN À FABIEN

8 Avril 2022, 11:15am

Publié par Cellule PCF de Saint-Saulve

FABIEN À FABIEN
              Par Patrick Besson - Liberté Hebdo

 

J’admets avoir un faible pour la ligne 2 du métro parisien, où il y a beaucoup de mes héros sous forme de stations : le révolutionnaire Barbès, mon roi de France préféré Philippe Auguste, le romancier de gauche Alexandre Dumas et bien sûr le résistant Pierre-Félix Georges devenu célèbre sous le pseudonyme de Colonel Fabien.

C’est du reste en hommage à ce dernier que les parents communistes du petit Roussel l’ont appelé, en avril 1969, Fabien. Prénom qui le prédestinait à prendre, quarante-neuf ans plus tard, la direction du Parti communiste français. Où je le retrouve aujourd’hui, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle. L’immeuble de Niemeyer a fait couler beaucoup plus d’encre que l’architecte communiste brésilien (1907-2012) n’en a utilisé pour dessiner sur une table de restaurant le siège actuel du PCF.

Les communistes centenaires sont rares et les Brésiliens de plus de cent ans le sont davantage. À l’entrée de Fabien, il n’y a personne - un peu comme à l’entrée de la DGSE [Direction générale de la Sécurité extérieure, ndlr] au Fort de Noisy. Mais à Fabien, il y a un bouton sur lequel on peut appuyer : la grille s’ouvrira avec une lenteur et dans un silence solennel.

Tandis que la porte des espions reste close, seule bouge la caméra de surveillance. Nous avons tous un souvenir précis de notre entrée au siège du PCF, même les mannequins qui ont défilé en 2020 au comité central pour la première et la dernière fois de leur vie.

À ma connaissance, aucune d’entre elles n’a adhéré au parti. Je me revois dans le bureau de Georges Marchais avec le philosophe Bernard Vasseur et à la cantine du parti au sixième étage avec Jorge Semprún, l’écrivain espagnol académicien Goncourt.

Fabien Roussel : une boule d’énergie rouge du Nord. Son mentor Alain Bocquet lui a donné le meilleur conseil politique : être présent. Il est attentif à tout et à tout le monde. Roussel a compris, en 2018, qu’il fallait réveiller le PCF, la vieille princesse endormie du paysage politique français fracassé. Comment garder le sourire dans un pays où il y a quatre fois plus d’électeurs d’extrême droite que d’électeurs communistes ? En se forçant. Et agir. Il adhère au PCF à quinze ans, pour faire libérer Nelson Mandela, la figure héroïque de l’ANC [Congrès national africain, ndlr] que les communistes de l’ouest brandissaient alors pour répondre à l’anticommunisme frénétique des médias et des milieux intellectuels, tous aux mains du grand capital, comme disaient Maurice Thorez et Georges Marchais.

Ce fut un succès : Nelson Mandela est libéré le 11 février 1990 après vingt-huit ans d’emprisonnement. Quatre ans plus tard, il est élu président de la République sud-africaine.
Les loisirs préférés de Fabien Roussel : la pêche et la pêche aux électeurs. Depuis quand les Français n’ont-ils plus vu que leur vie matérielle était meilleure quand la gauche était forte et la droite faible ? De meetings en tables rondes, de rencontres en banquets, le candidat du PCF s’échine à l’expliquer, à le démontrer. S’il fallait le chanter, il le chanterait.

Adolescent, il accompagne son père, journaliste à l’Humanité, au Vietnam. Il fait connaissance avec le communisme réel. Intense vie culturelle : cinéma, opéra, théâtre. Un Vietnam tel que les médias ne le montrent pas. Le rêve d’Anne Hidalgo est réalisé : tout le monde à vélo. Les Asiatiques ont compris qu’il valait mieux avoir un petit moteur que de gros mollets : ils sont tous passés peu à peu à la mobylette.

Pourquoi Fabien ne dit-il jamais qu’il est communiste ? « Parce que tout le monde le dit à ma place, inutile que j’en rajoute. » Regrette que le parti se soit abstenu de présenter un candidat aux élections présidentielles de 2012 et 2017. Comme on ne fait pas son lit, on se couche mal et on ne dort pas bien. Se désistera-t-il pour Jean-Luc Mélenchon, l’agrégé trotskyste qui espère être présent au second tour ? Fabien entend profiter de la campagne officielle pour rassembler les Français autour de son nom et de son projet.

Pour un éventuel désistement, on verra plus tard. « Je ne veux pas parler du second tour avant d’avoir fini le premier. » Le PCF et la religion ? Aucun problème avec les diverses communautés. Lui-même n’a pas été baptisé : parents communistes. Ça ne l’a pas empêché de restaurer une quinzaine d’églises dans la région où il a été élu député (20e du Nord). Sa grand-mère maternelle l’emmenait à la messe mais ne l’a pas fait baptiser en secret comme le faisaient certaines grands-mères de l’Est quand l’Est était communiste.
Est-il gêné par la surmédiatisation à laquelle est exposé tout candidat à l’élection présidentielle ? Il sourit dans son beau costume bleu. « J’accepte la chose comme indissociable du combat dans lequel je me suis engagé. » Son ennemi ? « La finance. » Comme Mitterrand au congrès d’Épinay (11-13 juin 1971).

L’héritage : première source de disputes dans les familles de la moyenne et de la grande bourgeoisie. Dès l’enterrement, les visages se ferment comme des portes blindées. On pleure sur les frais de succession. Tous les partages sont inégaux et il suffit d’être riche pour se sentir volé. L’abstention ou la haine fasciste de la politique ? Peut-être les gens en ont-ils assez de la démocratie dont ils voient si peu d’exemples dans leur vie quotidienne ? Pourquoi un livre d’entretiens avec Raphaël Enthoven, anticommuniste notable (Qui connaît Fabien Roussel ?, l’Observatoire, 12 euros) ? « Il me l’a proposé. Il voulait même que nous le signions ensemble. Je lui ai dit non, c’est son livre. » La dernière phrase de l’ouvrage : « La France, notre pays, le peuple de France, est aussi le pays de la mesure et de la raison, et il faut l’avoir en tête, être bienveillant, ne pas être excessif. » Donc pas de dictature du prolétariat. Soulagés ?

* Grand prix du roman de l’Académie française avec Dara et prix Renaudot pour Les Braban. Son dernier roman : Le Milieu de terrain chez Grasset. Essai Nice-Ville chez Flammarion.

 

 

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