L'affaire McKinsey et autres : un scandale d'Etat un scandale d'Etat « étouffé » pour cause de période électorale
Un État qui laisse le loup entrer dans la bergerie et qui
est tout saisi des résultats.
Le gouvernement sous-traite, à raison de plusieurs millions d'euros par an, des dossiers « toutes catégories » à des cabinets d'études étrangers (américains et autres) depuis des années.
Une sous-traitance en lieu et place des services administratifs ministériels, dégraissés de leurs personnels depuis des décennies ; et nos gouvernants « s'étonnent », alors que ces cabinets ont toutes latitudes de travailler dans les services ministériels de voir des marchés internationaux leurs être « soufflés ». Tout comme cela s'est passé avec le marché australien, il y a quelques mois de cela !
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AFFAIRE MCKINSEY
De mars 2020 à février 2021, le ministère de la Santé, confronté au manque de masques, de gants, de blouses, de tests etc, puis, suite à la lenteur de sa politique de vaccination, a passé 28 commandes auprès de sept cabinets pour un coût de 11,35 millions d’euros dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire...
En théorie, les consultants n’étaient missionnés que pour fournir un appui technique à ces chantiers, pas pour en inspirer le contenu politique. Le rapport du Sénat a toutefois relevé que la ligne était parfois difficile à tracer : dans ses préconisations au gouvernement sur la reconstitution du stock stratégique des gants médicaux, McKinsey a, par exemple, clairement affiché sa préférence pour le scénario de l’arrêt ponctuel de la distribution aux établissements médico-sociaux, le temps de reconstituer le stock – ce qui n’est pas un choix neutre.
La mission de 18 millions d’euros confiée par Bercy ( ministère « régalien » de l’État français ) à McKinsey et au cabinet EPSA pour rationaliser la politique d’achats des établissements publics de l’Etat revêt aussi une dimension politique, puisqu’il s’agit d’identifier 200 millions d’euros d’économies potentielles, avec des conséquences sur les politiques publiques associées.
Le cabinet est également intervenu sur des missions dont l’intérêt stratégique a été critiqué par le rapport sénatorial, comme la rédaction d’un guide du télétravail dans la fonction publique (une mission de 235 620 euros, (entièrement sous-traitée à un autre cabinet) ou une réflexion sur l’avenir du métier d’enseignant (496 800 euros) destinée à un colloque international qui n’a jamais eu lieu.
La rapporteuse spéciale de « l’opposition LR » sur les crédits de la mission Santé à l'Assemblée nationale, rappelle « On a de très grandes différences dans les montants des commandes. Ce sont globalement des missions assez courtes, souvent inférieures à trois mois. Mais ce n’est pas exhaustif, ces commandes font partie de la mission de santé. Il y a des commandes au niveau de Santé Publique France qui n’ont pas été communiquées », observe-t-elle, ajoutant que « d’autres contrats » sont également en prévision.
McKinsey a également appuyé l’administration dans la préparation de plusieurs réformes des aides sociales :
* « les retraites » (920 000 euros),
* « Les aides personnalisées au logement » (APL, 3,9 millions d’euros),
* « Le bonus-malus de l’assurance chômage » (327 060 euros),
* « Les pensions alimentaires » (260 880 euros) et
* « Les aides d’adaptation des logements au vieillissement (300 630 euros).
C’est le cabinet américain McKinsey qui se taille la part du lion avec un total d’environ quatre millions d’euros de contrats passés avec l’avenue de Ségur. L’un d’entre eux portant sur « l’accompagnement dans la stratégie cible visant à doter l’ensemble du territoire français des doses de vaccins » s’élève à 3,2 millions d’euros, selon les chiffres obtenus par la députée.
Les montants varient effectivement, d’un peu plus de 24 000 euros à plusieurs millions. « Lors des auditions, on nous a indiqué que très vite, la Direction générale de la santé (DGS) s’est trouvée démunie par le manque de personnel administratif pour gérer la crise.Le ministère a senti le besoin d’être aidé… ( par des cabinets américains) explique la députée , ( la France étant dans l'incapacité d'avoir de trouver pareils cabinets en France ou de personnels ministériels nécessaires pour de telles études )
Alors se posent plusieurs questions :
* Est-ce qu’il y a eu un recensement exhaustif de tous les moyens humains au sein du ministère ?
* Et est-ce qu’il y a eu un recensement exhaustif des commandes interministérielles ? », s’interroge la députée.
« Pas farouchement opposée » à ce que l’Etat ait recours à des consultants extérieurs, l’élue du Palais Bourbon émet tout de même plusieurs réserves aux recours galopant aux services de ces cabinets privés. « Il faut que leur travail apporte une plus-value. Or, je constate qu’il n’y a pas eu de valeur ajoutée ».
Elle relève plusieurs situations incohérentes :
« Quand il est demandé aux cabinets privés de mettre à disposition un agent de liaison entre Santé Publique France et le ministère de la Santé, je m’interroge. » Dans la même veine, un cabinet a été mobilisé pour mettre 5 agents à temps plein sur la gestion des stocks de vaccins… « C’est normalement le rôle du ministère ! », s’exclame la rapporteuse, qui souligne le coût non négligeable des missions : « 250 000 euros par semaine, soit 50 000 euros par jour ».
Au Sénat, les élus n’ont pas manqué de s’alarmer. La sénatrice « LR » Valérie Boyer a interrogé le gouvernement par question écrite, tout comme son collègue communiste Eric Bocquet. Ce dernier, vice-président de la commission des Finances, estime que l’on « peut s’interroger sur l’efficacité des prestations de ces cabinets privés… », des « ingénieurs qui ne raisonnent qu’en faisant des équations ».
Pour l’élu communiste du Nord, « c’est la confirmation que depuis de nombreuses années, ces cabinets interviennent dans la stratégie de l’Etat ».
Déjà lors des quinquennats Sarkozy et Hollande, Éric Bocquet se souvient de l’intervention du fameux cabinet McKinsey. « En 2014, la Cour des comptes avait donné un rapport au Sénat sur l’activité de ces cabinets : il relevait que les compétences des ministères n’étaient pas assez sollicitées et estimait que ces cabinets faisaient office de ‘caution technique’ », rappelle-t-il.
Finalement, « on se rend compte que l’Etat est devenu consulto-dépendant ». D’autant que l’expertise de ces cabinets est remise en cause. « Aux Etats-Unis, McKinsey a payé une indemnité de 573 millions de dollars pour régler un contentieux sur les opiacés.
Les autorités américaines reprochent au cabinet de conseil d’avoir contribué à la crise des opiacés. Et le gouvernement français les sollicite pour être conseillé sur les vaccins ? », s’étrangle Eric Bocquet.
« Mélange des genres inquiétant »