Les 4 catégories de donneurs de leçon (L'Huma du 20 mars 2014)
1°) Cour des comptes : les pères la rigueur ne se serrent pas la ceinture
Ils prêchent l’austérité... pour les autres, et se gardent bien de suivre leurs propres conseils. Créée en 1807, la Cour des comptes emploie aujourd’hui 734 salariés : président, procureur général, présidents de chambre, magistrats, assistants, etc.
La plupart de ces salariés sont des fonctionnaires de catégorie A. Leurs rémunérations (primes comprises) n’ont rien à envier à celles des cheminots de la SNCF : elles démarrent autour de 2 632 euros par mois, jusqu’à 9 167 euros.
En 2012, la Cour des comptes a « coûté » 204 millions d’euros aux contribuables, contre 191 millions en 2008. Un dérapage qu’a curieusement oublié de signaler l’organisme... D’autres fonctionnaires touchent aussi des honoraires plus que confortables : les présidents des autorités administratives indépendantes.
Les derniers chiffres disponibles remontent à 2010 (rapport parlementaire octobre 2010), opacité oblige. 19 658 euros par mois pour le président de l’AMF (Autorité des marchés financiers), 17 178 euros pour le numéro 1 de la Haute Autorité de santé, 16 017 euros pour le dirigeant de la Commission de régulation de l’énergie.
2°) Grands patrons : 2,3 millions d'euros de moyenne... et de nombreux avantages
Ils pestent contre le « coût » du travail, mais n’évoquent jamais le leur. En 2012, les dirigeants du CAC 40 ont empoché 93 millions d’euros à eux tous. Le chiffre vous impressionne ? Il ne s’agit en fait que d’une partie de leur rémunération globale, incluant salaire fixe et part variable (distribuée en fonction des objectifs atteints). Si l’on ajoute les stock-options, jetons de présence et autres avantages en nature, la somme dépasse les 135 millions d’euros.
La plupart de ces messieurs disposent au moins d’une voiture avec chauffeur, d’un ou plusieurs assistants de direction et d’un abonnement de téléphone portable. Les dirigeants étrangers disposent également d’émoluments complémentaires, destinés à adoucir leur exil. Jusqu’à son récent départ, Ben Verwaayen, directeur général d’Alcatel Lucent, touchait ainsi 10 000 euros par mois à titre de « prime d’impatriation ». Les avantages en nature de ces dirigeants peuvent paraître dérisoires au regard de leur paie totale, mais ils pèsent tout de même plusieurs dizaines de milliers d’euros par an.
Martin Bouygues a ainsi empoché 33 383 euros en 2012 et 45 625 euros en 2011.
3°) Conseils d'administration : jackpot pour les cumulards
S’asseoir autour d’une table peut rapporter gros...
Les membres des conseils d’administration de grandes entreprises sont rémunérés en jetons de présence. Multiplier les participations permet aux plus malins d’empocher des sommes conséquentes. Certains administrateurs siègent ainsi dans six conseils à la fois ! Le jeton moyen distribué au sein du CAC 40 dépasse les 73 000 euros par an (étude Proxinvest, fin 2012). Les mêmes têtes trustent régulièrement les meilleures places. Patricia Barbizet est l’une d’entre elles. Sa proximité avec François Pinault lui a permis de gravir tous les échelons du capitalisme hexagonal.
Aujourd’hui, la vice-présidente du conseil d’administration du groupe Kering (ex-PPR) siège également chez Total, Air France-KLM, Bouygues, Peugeot. Montant total : plus de 460 000 euros par an. Michel Pébereau est aussi un redoutable cumulard. Conseiller officieux de Sarkozy durant son quinquennat, le président d’honneur de BNP Paribas est par ailleurs administrateur d’Axa, Saint-Gobain, Total et EADS. En 2012, il a empoché plus de 408 000 euros.
4°) Experts de plateaux télé : des professionnels objectifs... puisqu'on vous le dit
Ils squattent télés et radios, rabâchant leurs précieuses analyses. Aux esprits chagrins qui font remarquer que leur discours est unanimement libéral, on oppose leur qualité de chercheur ou d’universitaire. Reste que, souvent, derrière le professeur se cache un homme d’affaires avisé. Michel Godet, enseignant au CNAM, siège au CA du groupe Bongrain (4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 63 millions de bénéfice). Ce pourfendeur de la retraite par répartition est aussi administrateur de l’assureur Agipi qui vend des retraites par capitalisation... L’économiste Daniel Cohen enseigne à l’ENS mais conseille surtout la banque Lazard. Il gagnerait entre 1 et 2 millions d’euros par an, selon le journaliste Laurent Mauduit dans son livre « les Imposteurs de l’économie ». Élie Cohen ne fait pas que de la recherche au CNRS. Il aurait palpé 110 000 euros pour sa participation au CA d’EDF énergies nouvelles et de Pages Jaunes. Sans doute une peccadille par rapport au revenu jalousement caché du président du Cercle des économistes, Jean-Hervé Lorenzi, qui cumule les fonctions dans une kyrielle de banques comme Rothschild ou BNP Paribas.