METRO « CHARONNE », l’horrible terminus de la guerre d’Algérie (Liberté hebdo du 12 avril)
Dans l’ombre de Charonne, album signé Désirée et Alain FRAPPIER, rappelle la place du PCF dans la lutte anticolonialiste, sans chercher à lui donner le beau rôle.
Il y a cinquante ans, la guerre d’Algérie prenait fin et le pays devenait indépendant. Mais les derniers soubresauts dune bête blessée à mort sont souvent les plus dangereux. La politique de la terre brûlée menée an Algérie par les commandos de l’OAS commettait des crimes, notamment des plasticages qui visaient les opposants à l’Algérie française, en particulier les communistes, comme le sénateur Raymond Guyot, l’écrivain Vladimir Pozner, qui seront grièvement blessé, ou des gaullistes comme le ministre de la culture André Malraux. Ce dernier attentat révolte particulièrement l’opinion publique car une petite-fille de quatre ans, Delphine Renard, est défigurée et manque de perdre la vue.
Guerre coloniale
Le 8 février 1962, le PCF, le PSU, la CGT, la CFTC et l’UNEF appellent à une manifestation pour dénoncer les assassins de l’OAS et exiger la paix en Algérie. Interdite, comme souvent durant cette période, la manifestation sera très violemment réprimée par la police de Maurice Papon. On relève huit mort à la station de métro « Charonne », puis un neuvième quelques jours plus tard à l’hôpital. Tous sont adhérents de la CGT, huit militants au PCF. Le plus jeune, Daniel Féry, n’a que quinze ans et travaille au journal « l’Humanité ». Les policiers se sont acharnés sur le manifestants, allant jusqu’à jeter, sur les corps entassés dans la bouche de métro, des grilles en fonte et des tables de bistrot en marbre.
C’est cette histoire que nous racontent Désirée et Alain Frappier via leur album « Dans l’ombre de Charonne », qui relève plus du roman graphique que de la bande dessinée. Une de leurs amis, Maryse Douek-Tripier, jeune communiste et militante du Cercle anti-fasciste au lycée de Sèvres, a participé à cette soirée du 8 février 1962 et a failli perdre la vie, écrasée dans la bouche du métro. On suit la jeune fille dans sa vie de lycéenne qui découvre l’horreur de cette guerre coloniale qui n’ose dire son nom.
Ce livre rappelle la place du PCF dans la lutte anticolonialiste sans avoir la volonté de lui donner le beau rôle. Car si, en huit ans, il commit des erreurs, comme le vote des pouvoirs spéciaux au socialiste Guy Mollet, il n’a jamais renié son internationalisme de l’Algérie, même s’il ne la revendiquait pas ouvertement. Les morts de Charonne illustrent tragiquement l’engagement des communistes. Le livre s’attache à restituer le climat de l’époque et fourmille de reproductions de documents et de témoignages sur le crime d’Etat qui, comme le massacre des Algériens du 17 octobre 1961, ne fut jamais reconnu.
Pierre GAUYAT
« Dans l’ombre de Charonne » de Désirée et Alain Frappier, préface de Benjalin Stira, Editions du Mauconduit, 136 pages, 18,50 €