Un chantier pour faire un pont en or aux entrepreneurs magouilleurs!.
Bienvenue à DUNKERQUE, son chantier pharaonique
et ses esclaves à 300 euros par mois.
Article de Cyprien Boganda, repris dans le journal l'Humanité Dimanche n° 472
Pendant des mois, la loi su silence a prévalu sur le chantier du soi-disant modèle du terminal méthanier de Dunkerque, devenu le paradis du dumping social.
Mais des soupçons de travail dissimulé commencent à filtrer, éclaboussant le propriétaire du méthanier, filiale d’EDF.
Les syndicats alertent depuis un an et demi.
"Ex-em-plaire" Maîtres d'Oeuvre et gouvernement, tous n'avaient que ce mot-là à la bouche pour qualifier le chantier du futur terminal méthanier (1) de Dunkerque, lancé fin 2012.
Vendu comme le nouveau poumon économique d'une région sinistrée, ce projet de un milliard d'euros se devait d'être une vitrine sur le plan social.
Mais le verre a commencé à se fissurer à la fin du mois de juin, lors d'une opération de contrôle surprise menée sous l'égide du Parquet de Dunkerque (la Voix du Nord du 18 juillet)
Ce jour là, des enquêteurs de plusieurs services ( police aux frontières, inspection du travail, Urssaf...) déboulent à l'improviste sur le chantier.
Entre les auditions menées par les policiers et les documents dénichés par l'inspection du travai, il semblerait qu'une entreprise italienne exploite des dizaines de travailleurs roumains en toute illégalité. Des derniers effectueraient jusqu'à 60 heures par semaine, pour un salaire effectif de 300 euros par mois, une fois déduits les "prélèvements" opérés par les patrons.
Rappelons que les travailleurs détachés en France doivent toucher au moins le SMIC et ne pas dépasser la limite de 48 heures par semaines...
Selon plusieurs sources, de nombreux salariés roumainsdorment par ailleurs entassés dans des campings de la région.
Les histoires racontées son édifiantes. Les sous-traitants effectuent toutes sortes de prélèvements sur les fiches de paie : transport, hébergement, nourriture ..
A l’arrivée, certains ouvriers ne touchent même pas un euro de salaire ! »
Au sommet de la myriade de sous-traitants, trône le « Maître d’Ouvrage » Dunkerque LNG (2). Il s’agit d’une filiale à 65% du groupe EDF, à 25% du belge Fluxys (transport de gaz) et 10% du géant français TOTAL.
Fort de sa participation majoritaire, c’est bien EDF qui pilote le chantier, comme le rappelle d’ailleurs le site Internet du projet. Il est difficile d’imaginer que le mastodonte tricolore ait été totalement ignorant des conditions de travail désastreuses imposées par certains sous-traitants, au vu des tarifs pratiqués.
Fin 2013, par exemple, la directiondu chantier lance un appel d’offres pour y installer l’électricité. Chose plutôt rare, les deux géants du BTP, SPIE Batignoles et VINCI, s’allient pour décrocher le marché. A la surprise générale, c’est une société italienne qui remporte le gros lot, en affichant un tarif 25% inférieur à ceux de ses concurents.
« On a rapidement compris qu’il y avait anguille sous roche, se souvient Fabienne Deroy, déléguée CFE-CGC de chez SPIE. On ne peut pas pratiquer des prix aussi bas, tout en respectant le durée légale du travail »
ENCORE DEUX MORTS EN JUIN
CCT et CFE-CGC commencent alors à faire la tournée des pouvoirs publics (dont la DIRECCTE et la préfecture) pour réclamer un minimum de transparence. A chaque fois, ils se heurtent à un mur.
L’inspection du travail non plus n’a pas chômé. selon les informations de l « HD » au moins quatre procès verbaux ont atterri sur le bureau du procureur de Dunkerque depuis 2012, pour les motifs de non-respect du repos dominical à des infractions plus graves, en lien avec l’hygiène et la sécurité.
Ces dernières étaient très souvent liées à des accidents du travail survenus sur le chantier. Deux ouvriers auraient encore trouvé la mort en juin, à la suite de malaises cardiaques.
« Cela n’a malheureusement rien d’étonnant, souligne un syndicaliste. Les gars n’arrêtent pas de bosser, au-delà de ce que permet la législation. Le midi, ils doivent se contenter d’un simple sandwich parce que les patrons ne veulent pas leur payer de vrai repas. Il y a plusieurs mois, un salarié étranger est mort dans un tunnel. Son corps a été rapidement rapatrié dans son pays ; les patrons ne veulent surtout pas de vagues »
Pas de vagues, donc, pour ne pas éclabousser le chantier « vitrine », ardemment désiré à la fois par les élus locaux et les grands groupes de l’énergie . Les syndicalistes espèrent cependant que lez couvercle s’entrouvre enfin, maintenant que la justice s’en est mêlée.
Les prochains jours permettront peut-être de briser l’omerta.
- Port accueillant des méthaniers, navires transportant du gaz naturel liquéfié dans leurs citernes.
- Jointe par l’ « HD », la direction, de Dunkerque LNG a refusé de commenter les soupçons de travail dissimulé avant de connaître les résultats de l’enquête.
UN TERMINAL ENORME, A L’UTILITE DISCUTEE.
C’est le deuxième plus gros chantier de France après l’EPR de Flamanville. Prévu pour ouvrir en novembre prochain, le terminal méthanier de Dunkerque sera capable d’accueillir en France les plus grands navires méthaniers du monde.
En pratique, le chantier nécessite la création de trois réservoirs de GNL (gaz naturel liquéfié de 190000 m3 et un tunnel de 5 km de long qui acheminera les eaux tièdes de la centrale nucléaire de Gravelines vers le terminal EDF, actionnaire majoritaire , en a fait son cheval de bataille. Mais les syndicalistes sont septiques depuis le début, à l’instar de Laurent Langlard, de la fédération mines et énergie de la CGT (« basta » 1er septembre 2011)
« Le gaz ne sera pas destiné à la France, puisqu’il ne sera pas odorisé, contrairement à ce qu’exige la loi française sur le transport du gaz (l’odorisation du gaz permet de détecter d’éventuelles fuites grâce à son odeur)
Il sera donc vendu dans toute l’Europe, dans l’unique but de faire fonctionner le marché. »
Conclusion :
Ce sera surtout l’occasion pour EDF de faire du business sur le continent européen.
Pour Total actionnaire à 10%, il s’agissait de redorer son blason après la fermeture de la raffinerie de Dunkerque.
Mais le compte n’y sera pas. A l’arrivée , le terminal emploiera 57 salariés, alors que la raffinerie en comptait 600 !