L'ancien secrétaire général de la CGT (1992-1999) est décédé dans la nuit du 21 au 22 octobre 2017 à l'âge de 84 ans. di
Comme beaucoup de ses camarades d'hier et d'aujourd'hui, Louis Viannet a toujours été à l'avant-garde pour la défense des salariés.
Passionnément attaché à son syndicat, « Loulou », comme on l’appelait familièrement, l’homme qui a amorcé la mutation de la CGT, est resté jusqu’à la fin de sa vie une autorité morale dont la parole était encore très écoutée.
Depuis sa maison ardéchoise où il passait sa retraite, il n'avait pas hésité à sortir de sa réserve pour demander, en 2015, à Thierry Lepaon, mis en cause dans des affaires relatives à son train de vie, de démissionner de ses fonctions de secrétaire général de la CGT, ce qu’il fit deux jours plus tard.
Né le 14 mars 1933 à Vienne (Isère), Louis Viannet passe son enfance dans le village de Chavanay. Son père est ouvrier à Rhône-Poulenc, syndiqué à la CGT, et la famille ne roule pas sur l'or − « pas de fric, pas de bouquins pour être au niveau des autres, racontera-t-il. Parfois même, j’étais obligé d’emprunter le pantalon d’un autre pour sortir » mais il assure avoir été « heureux comme un poisson dans l’eau »
A 11 ans, boursier, il poursuit ses études dans un internat de Saint-Etienne jusqu'à la fin du secondaire. Il monte à Paris le bac en poche.
Il tente le concours des impôts qu’il rate puis celui des PTT qu’il réussit. Entré à La Poste en 1953, « encore vierge de toute affinité idéologique », il suivait un cours de formation professionnelle à Paris, quand des grèves ont secoué l'ensemble des services publics français.
C'était au cours de ces événements qu'il adhère à la CGT, et il participe activement à ce mouvement social inédit, partit d'une grève locale aux PTT, qui s'est étendu à la plupart des services et des entreprises du public. Sorti des grèves de 1953 « en ayant la conviction que sa vie serait consacrée au militantisme »
Louis Viannet occupe progressivement des postes de responsable syndical plus élevés.
En 1956, à la suite de son service militaire, il réintègre les PTT et est affecté au bureau de Lyon-Chèques.
En juin 1982, Louis Viannet, membre de la Commission exécutive de la CGT depuis 1972 est élu au Bureau confédéral de la CGT lors du 41e Congrès. Il quitte la direction de la Fédération des PTT à la fin de cette année 1982.
Au Bureau confédéral une tâche de premier ordre lui était dévolue : il succédait à Henri Krasucki, promu secrétaire général de la Centrale syndicale, au poste de directeur de l'hebdomadaire de la CGT, la Vie ouvrière.
Durant dix années, Louis Viannet faisait figure d'orthodoxe, face à Henri Krasucki, dont l'image de réformateur s'imposait progressivement. C'est avec cette étiquette attribuée par la presse, qu'il lui succédait en février 1992 en étant élu secrétaire général de la CGT, lors du XLIVe congrès confédéral de celle-ci. « En portant Louis Viannet au poste de secrétaire général, la CGT n'a pas choisi un homme neuf pour mettre en œuvre sa volonté de changement et d'indépendance », lisait-on dans la presse.
« J'ai été élu avec l'étiquette du stalinien de service qui allait mettre de l'ordre dans la maison", confiait-il au moment de son départ » Le contexte de son élection à la direction de la Confédération pouvait donner à croire en un déclin d'une CGT incapable de renouveler son discours et sa pratique.
Or les six années du mandat de Louis Viannet se soldaient, lorsqu'il quittai son poste, en février 1999, par un bilan tout autre.
Il a été l'un des principaux acteurs des grèves de 1995 contre le "plan Juppé", un plan présenté en novembre 1995. Il prévoyait notamment le transfert du financement et de la gestion de la Sécurité sociale des organismes paritaires à l’État, et la suppression de l’abattement de 20 % sur le revenu imposable de tous les salariés.
Devant la mobilisation des salariés du secteur public, le Premier ministre avait fini par jeter l'éponge. "Le problème, n'est pas qu'Alain Juppé soit Premier ministre" avait déclaré Louis Viannet, le 13 décembre 1995 sur France Inter.
" Le vrai problème réside dans la politique qu'il mène... Ce mouvement est le contraire d'un mouvement politique. Il exprime, par contre, la crise de la politique dans ce pays, la faillite des élites, de la prétendue pensée unique selon laquelle n'existent pas d'autres solutions que celles élaborées au sein de petits conclaves de machines à calculer "
Le mouvement social de l'hiver 1995 a permis à la CGT de renouveler ses thèmes, de dynamiser son image et de renouveler ses militants. C'est d'ailleurs une des figures emblématiques du conflit social de l'hiver 1995, Bernard Thibault qui assurera la succession de Louis Viannet, lors du 46e Congrès de la CGT en février 1999. Entre temps, les élections prud’homales de décembre 1997 avaient témoigné de l'ancrage maintenu de la CGT à la première place des organisations syndicales françaises, recueillant les suffrages de plus de 33 % de votants, devant la CFDT, 25,3 %, et FO, 20,5 %.
Quand il quitte ses fonctions, Louis Viannet laisse derrière lui l'image de cela, un pragmatique réformateur, réussissant à stopper le déclin de la première centrale syndicale de France.
Louis Viannet a pris les rênes de la CGT dans un contexte pour le moins bouleversé, la montée du chômage en France et la casse de l'industrie
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT à franceinfo
Philippe Martinez a rendu hommage au rôle de Louis Viannet, qui a "prôné l'unité syndicale" dans les grandes grèves de 1995 contre la réforme de la Sécurité sociale et des retraites lancées par Alain Juppé, alors Premier ministre : "Tout le monde a en tête la poignée de main entre Louis Viannet et Marc Blondel, secrétaire général de Force Ouvrière à l'époque. C'est l'expression je crois du travail de Louis, celui d'une CGT ouverte et rassembleuse du monde du travail."
Sur le rôle de Louis Viannet dans l'éloignement du syndicat par rapport au Parti communiste, Philippe Martinez a estimé qu'"il a eu le souci que nous ayons une CGT la plus ouverte possible, et donc en veillant à son indépendance, politique mais aussi vis-à-vis des gouvernements. En 1982 au Congrès de Lille, il avait prononcé un discours contre le gouvernement de gauche de Pierre Mauroy et sa politique de rigueur".
Un précieux conseiller
Sur un plan plus personnel, Philippe Martinez a affirmé : "Louis c'était le sens des autres. Un dirigeant tourné vers les militants, les syndiqués et les salariés. Je le connaissais depuis très longtemps, quand j'étais responsable chez Renault. C'est quelqu'un de très à l'écoute dans les moments difficiles, par exemple la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde [il y a vingt ans, en 1997, supprimant plus de 3000 emplois]".
Ces dernières années, il continuait à suivre de près le syndicat. "C'était quelqu'un qui, tout en restant à sa place, était précieux pour donner son avis. C'était des conseils qu'il donnait lorsqu'on l'appelait.