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Cellule PCF ''Plantive'' de Saint-Saulve

Pour défendre ses milliards, la grande finance sait comment faire !

17 Octobre 2017, 20:41pm

Publié par Cellule PCF de Saint-Saulve

et ce n'est pas terminé avec LREM, les ordonnances et Macron

et ce n'est pas terminé avec LREM, les ordonnances et Macron

En invalidant dans sa totalité la taxe sur les dividendes à 3%, le Conseil constitutionnel a déclenché une bombe budgétaire. Voici les coulisses du plus gros imbroglio fiscal de l'histoire.

© Fournis par www.challenges.fr Nicolas Jacquot, avocat fiscaliste associé au sein du cabinet Arsene Taxand

L'histoire est digne du combat de David contre Goliath. Et elle pourrait remettre en cause les objectifs de déficit public de la France pour 2018 et le reste du quinquennat.

Rien que ça !

Le 6 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a invalidé dans son intégralité une taxe de 3% sur les distributions de revenus, souvent appelée "taxe sur les dividendes". Cette censure pourrait coûter près de 9 milliards d'euros à l'Etat selon le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Soit beaucoup plus que les 5,7 milliards d'euros anticipés jusqu'ici par le gouvernement.

Pour ne rien gâcher, ces montants seront normalement à rembourser aux entreprises qui en feront la demande d'une traite, sans pouvoir les étaler sur plusieurs années. Mais comment le gouvernement en est-il arrivé là? Les coulisses de cette histoire rocambolesque en disent long sur la légèreté avec laquelle la classe politique a géré ce dossier fiscal au cours du dernier quinquennat.

Tout commence en mai 2012. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) vient de déclarer contraire au droit européen une retenue à la source sur les dividendes versés à des OPCVM étrangers.

Cette décision va entraîner un manque à gagner de près d'un milliard d'euros par an. L'équipe Sarkozy-Fillon planchait depuis plusieurs mois sur un nouveau projet de taxe pour compenser l'argent perdu. Mais la victoire de François Hollande à l'élection présidentielle rebat les cartes. Le nouveau chef de l'Etat préfère alors repartir d'une feuille blanche.

Vient alors l'idée d'une nouvelle taxe sur la distribution des revenus. Le texte original prévoit une exonération pour les dividendes versés par une filiale à sa société mère, qui respecte la directive mères-filiales de l'UE.

C'est là qu'intervient Christian Eckert, à l'époque tout frais rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale. Le futur ministre du Budget dépose un amendement pour modifier cette exonération. Dans l'exposé sommaire en faveur de son amendement, Christian Eckert assure que "cette référence au régime mère-fille (NDLR: dans la loi instaurant la taxe dividende) n’est ni pertinente, ni juridiquement obligatoire au regard du droit de l’Union européenne, car n’est pas en cause une retenue à la source ou une imposition des dividendes reçus".

Le Parlement adopte l'amendement. En réalité, le ver est dans le fruit et c'est ce qui va causer l'effondrement du dispositif comme un château de cartes.

"Certains raillaient notre amateurisme"

En 2015, Nicolas Jacquot, avocat à la Cour, associé dans le cabinet Arsène Taxand, a pour client la holding d'un groupe industriel français, dont il ne veut pas dévoiler le nom.

Il commence à s'intéresser de près à la fameuse taxe sur les dividendes. Et en novembre de la même année, il dépose un recours devant le tribunal administratif pour contester la légalité de cette contribution dans sa totalité, qu'il double d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

"Personne ne pensait que toute la taxe pourrait être condamnée. Certains raillaient notre "amateurisme" se souvient Maître Nicolas Jacquot. Cet ancien élève de HEC et de l'ENA (dans la même promotion que Bruno Le Maire), n'a pourtant rien d'un novice. L'avocat avait commencé sa carrière au ministère des Finances avant de devenir conseiller en charge de la fiscalité dans les cabinets des ministres de l'Economie Nicolas Sarkozy, Hervé Gaymard puis Thierry Breton de 2004 à 2007.

L'avocat fiscaliste pense qu'il y a une faille via la directive mères-filiales de l'UE. Afin de bien comprendre le raisonnement juridique, il faut expliquer comment fonctionne le prélèvement mis en place en 2012 par le gouvernement de l'époque. La taxe en question prévoit que les entreprises paient un prélèvement de 3% sur toutes les distributions de revenus qu'elles versent à leurs associés et actionnaires.

C'est le cas par exemple lorsqu'un grand groupe du CAC 40 verse un dividende à ses actionnaires. Mais la question est de savoir d'où provient l'argent exactement. En effet, pour distribuer un revenu (comme un dividende), une société peut piocher dans ses réserves, utiliser son bénéfice annuel, s'endetter ou encore faire appel aux revenus en provenance de ses filiales.

Sur ce dernier point, la directive européenne mères-filiales explique qu'on ne peut pas taxer au niveau de la société-mère française la redistribution d'un dividende provenant d'une de ses filiales installées dans l'UE (mais hors de France). Ou alors il faut mettre en place un système permettant de déduire l'impôt déjà payé par la filiale étrangère sur ses bénéfices. L'objectif est d'éviter une double imposition. Le recours initial de Nicolas Jacquot porte notamment sur ce point. Après étude par le tribunal administratif de ses arguments juridiques, le recours est transmis au Conseil d'Etat.

Apprenant la nouvelle, l'Afep, l'association française des entreprises privées, qui représente les grands groupes de l'Hexagone, et 17 multinationales (dont Danone, LVMH, Vivendi, Orange et Total), se raccrochent aux wagons et déposent à leur tour un recours, avec des arguments juridiques relativement similaires. Une partie de ces derniers portent sur la différence de traitement entre les filiales intégrées et celles qui ne le sont pas.

En effet, les dividendes versés par les PME, les OPCVM et les sociétés membres d'un même groupe intégré fiscalement sont exonérés de cette taxe sur les dividendes. Le Conseil d'Etat, qui a réuni au sein du même dossier les plaintes de l'Afep, des multinationales et du cabinet Arsène Taxand, finit par saisir le Conseil constitutionnel. La 30 septembre 2016, les Sages de la rue Cambon donnent raison aux plaignants sur ce problème d'exonération des groupes intégrés.

Un enjeu à 9 milliards d'euros !

Certes, le gouvernement rectifie le tir dans le projet de loi de finances rectificative 2016 mais uniquement sur cette question. Il ne supprime pas la taxe. Le problème, c'est que le Conseil d'Etat a également transmis une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) afin de s'assurer que la taxe soit vraiment compatible avec le droit européen.

Le 17 mai 2017, la CJUE a rendu son verdict et donne raison encore une fois aux opposants de la taxe. La taxation au moment de la redistribution dividendes reçus d'une filiale située en UE par une société-mère française est contraire à la directive mères-filiales.

"Une fois que cette brique a cédé, tout s'effondre", analyse Nicolas Jacquot. Puisque les dividendes versés par une filiale européenne ne sont plus sujets à la taxe, ce ne peut pas être non plus le cas pour des filiales françaises.

"C'est ce qu'on appelle la discrimination à rebours: on ne peut traiter plus mal des sociétés résidentes fiscalement en France que des sociétés étrangères", commente Nicolas Jacquot.

L'Afep dépose alors un nouveau recours avec une nouvelle QPC sur ce point. Nicolas Jacquot, lui, veut aller beaucoup plus loin. Si l'argent en provenance des filiales (qu'elles soient françaises ou dans l'UE) est exonéré de taxe sur les dividendes, pourquoi cela serait-il différent pour les autres sources de revenus pouvant être distribués (comme les réserves ou le profit d'exploitation)? Le cabinet Arsène Taxand considère donc que c'est toute l'assiette de la taxe qui n'est pas légale. Et il dépose son propre recours ainsi qu'une nouvelle QPC remettant en cause l'intégralité de la loi.

Le Conseil d'Etat se saisit de la question posée par le cabinet Arsène Taxand, plutôt que celle posée par l'Afep, avant de la transmettre au Conseil constitutionnel. "Nous étions convaincus par nos arguments juridiques mais nous craignions que le Conseil constitutionnel recule face à l'ampleur des montants en jeu", se rappelle Nicolas Jacquot.

Les Sages n'ont pourtant pas tremblé. Le 6 octobre dernier, ils ont invalidé dans sa totalité la taxe sur les dividendes. L'Etat doit donc rembourser les montants prélevés à ce titre, parfois depuis 2012. Soit environ 9 milliards d'euros, une fois les intérêts moratoires inclus. Tout dépendra des réclamations des entreprises concernées.

Négociations en urgence.

Dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le gouvernement avait budgété des remboursements de 300 millions d'euros en 2018 puis de 1,8 milliard de 2019 à 2021. Ce qui menait à un coût total de 5,7 milliards d'euros.

Après de nouvelles simulations, Bercy a alourdi la note de près de 60%. "Nous allons regarder ça calmement mais nous l'avions anticipé", assure une source à Bercy. "La question est de savoir en quelle année les montants seront remboursés", ajoute-t-elle.

Juridiquement, il n'y a aucune raison que les entreprises lésées se voient remboursées sur plusieurs années. Toutefois, l'Etat peut très bien décider de reprendre d'une main ce qu'on l'aura contraint à redonner de l'autre. Le ministre de l'Economie ne s'en est pas caché.

"Nous allons regarder toutes les possibilités (...). Nous allons regarder si un étalement est possible et regarder après s'il y a besoin de faire un prélèvement exceptionnel, une participation exceptionnelle", a indiqué ce lundi 16 octobre Bruno Le Maire.

Dit autrement, si les entreprises ne négocient pas en faveur d'un étalement sur plusieurs années, l'Etat mettra en place un nouveau prélèvement.

"Il n'est pas question de dévier de la trajectoire" budgétaire fixée, a asséné le ministre. Le gouvernement a fixé un ultimatum à novembre prochain puisque, si nouvelle taxe il y a, elle devra être intégrée dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présentée au mois de novembre. La balle est désormais dans le camp des grands groupes qui vont devoir arbitrer entre des remboursements rapides et l'éventualité d'une nouvelle taxe.

 

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