Trois mois de« Grenelle »
Grenelle sur les violences faites aux femmes. Des promesses, limitées par peu de financement de l'Etat. Qu'en restera-t-il après les élections de mars 2020 ???
LES ASSOCIATIONS ONT FAIT LE BOULOT :
ET LE GOUVERNEMENT ?
Le 25 novembre, après trois mois de discussions, le Grenelle des violences faites aux femmes rendra ses conclusions. ONZE groupes de travail, des centaines de discussions entre associations, représentants de l’État et acteurs de terrain.
Pour quelles solutions ?
Le gouvernement devait annoncer des « mesures », mais il a déjà posé ses conditions : les moyens seront limités. Quant à la prévention, c'est la grande absente.
Sylvia voulait seulement le quitter.Lui ne l'entendait pas ainsi, le 10 novembre, à Oberhoffen-sur-Moder (Bas-Rhin) il lui a asséné plusieurs coups de couteau. Sylvia a eu le temps d’appeler sa fille à l'aide. Celle-ci à fracturer le portail de la maison seulement pour voir sa mère tomber, assassinée par celui qui partageait encore sa vie. Sylvia avait 40 ans et avait peur de mourir, elle avait porté plainte, déposé des mains courantes.
Depuis le 1er janvier, c'est la 131e victime d'un massacre qui touche les femmes, parce que femmes.
Le lendemain, à la Plaine -sur-Mer, en Loire-Atlantique, Karine, 48 ans,a été tuée par son ex-mari : il l'a étranglée puis s'est donné la mort.
Le lendemain, à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, Aminata, 31 ans,a elle aussi été poignardée par son mari, devant leurs enfants.
« Ces femmes assassinées par leur conjoint ou ex, c'est ça le bilan de la politique gouvernementale en matière de violence sexistes et sexuelles. Il faut changer le cap et d'échelle », revendique Caroline De Hass, du collectif « Nous Toutes ».
Depuis le 3 septembre , les 11 groupes de travail, représentants d’associations, de l’État et acteurs de terrain ont planché, fait des synthèses. Un premier document a été présenté à Marlène Schiappa, la secrétaire d’État en charge de l'égalité entre femmes et hommes, le 29 octobre ?
Un catalogue de 60 propositions, très précises, qui va de la détection à la prise en charge, en passant par l’hébergement ?. » Mais ça fait trente ans qu'on sait ce qu'il faut faire. Trois mois de discussions de ce Grenelle étaient-ils nécessaires ? » continue la militante. Le jugement est sévère. A la hauteur de l'enjeu.
EN CERCLE FERMÉ.
« C'est vrai que, s'il y a eu un grand travail d'état des lieux fait par les associations, il y a en revanche très peu de propositions nouvelles », reconnaît de son côté Laurence Cohen, sénatrice PCF du Val-de-Marne,e et membre de la commission des Droits de la femme. La méthode elle-même pose question ; beaucoup de spécialistes reconnus ont d'abord été oubliés. « Les syndicats, les élus, tout comme les personnalités spécialistes des violences, n'ont pas été invités.
C'est un peu-resté en cercle fermé », relève Hélène Bidard, adjointe PCF à la mairie de Paris, présidente de l'Observatoire parisien des violences faites aux femmes.
Exit aussi les racines de cette violence, « On a beaucoup abordé la prise en charge des victimes. Mais très peu la manières d’éradiquer les violences. C'est un peu comme si, en termes de sécurité routière , on s'occupait seulement de la prise en charge des accidentés » , analyse Caroline De Hass. Un groupe de travail y était bien consacré. Mais, très vite, des sujets ont été exclus. » Dès le premier jour, je me suis entretenue avec Jean-Michel Blanquer (ministre de l’Éducation) , nous proposions un brevet de non violence à l'école. Il m'a dit « C'est une très bonne idée… maison ne le fera pas ! » raconte Caroline De Hass.
En termes de détection et de prise en charge des violences, il y a bien eu des avancées. « On a été écoutées sur le suspension de l’autorité parentale en cas de violences », explique Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale Solidarité Femmes ? Qui gère des centre d’accueil et le numéro 3919 ( Violence s Femmes Info )
BAISSE DES CRÉDITS Â LA POLICE.
Dans un tiers de féminicides, des plaintes ou mains courantes avaient été déposées. Comment les forces de police passent-elles à côté ? Le gouvernement a lancé « un audit de 400 commissariats et gendarmeries pour identifier les dysfonctionnements ». Un premier bilan devait être livré le 25 novembre…
Marlène Shiappa a déjà annoncé un meilleur accueil des victimes par les policiers et gendarmes et une formation de ces professionnels »
« Le gouvernement parle de dysfonctionnements. Mais de quels moyens disposent les forces de police pour cela ?
Quant à la formation… Dans le budget 2020, qui vient d'être voté, le gouvernement a baissé le crédits de formation de la police et de la justice « souligne Hélène Bidard.
Autre mesure annoncée : 5 millions d'euros doivent être « débloqués » pour créer 1 000 nouvelles places d'hébergement et de logement d'urgence d'ici 2020 pour les femmes victimes de violences conjugales. Sauf que, là encore « il y a un tour de passe-passe .
D'abord, parce qu'une baisse de budget de l'hébergement d'urgence a été voté en 2018, il n'y aura donc pas de places supplémentaires.
En plus, la nuitée est financée par le gouvernement à 15 euros, alors que pour ces places, il faudrait 30 euros, continue Hélène Bidard.
Toutes le souligne une, une question a été soigneusement évitée : celle des moyens financiers. Aujourd'hui, le budget dédié à la lutte contre les violences faites aux femmes est de 361 millions d'euros, les associations chiffrent les besoins à 1 milliard.
Le 3 septembre, le Premier ministre Edouard Philippe, avait éludé : « je ne me place pas sur ce terrain-là. » Pour un président qui a fait de l’égalité femmes- hommes la grande cause de son quinquennat, c'est petit bras.
« UN EURO PAR FEMME »
Quant au million d'euros du fonds Catherine contre les féminicides, « parce qu'il y a autant de femmes victime de violences que de femmes qui s’appellent Catherine » expliquait Marlène Schiappa à son lancement en août, il ne s'agit pas là d'un reliquat du budget 2018 du secrétariat d’État. « Il a ensuite divisé par région. L’Île de France a reçu 130 000 euros. Pour Paris ça fait 13 000…sachant qu'il y a 12 900 femmes déjà accompagnées. SOIT UN EURO PAR FEMME », souligne Hélène Bidard.
Les associations, elles, ont joué le jeu. « Toutes se sont impliquées ; ont beaucoup travaillé. Il y a une attente très forte », rappelle Françoise Brié. Un Symbole déjà acquis : l'emploi du mot féminicide par les médias et les instituions. « Pour ne pas qu'on puisse encore faire croire qu’il s’agit d'une histoire individuelle. Mais d'un système de domination au sein su couple.
Ce n'est pas de la passion. C'est un homme qui a décidé qu'une femme lui appartenait jusqu'à la mort », décrypte-t-elle ? Le 3919, lui, frise la saturation . 11 000 femmes l'ont appelé en octobre, contre 5 000 habituellement.
Désormais, les femmes ne se tairont plus ; au gouvernement d'y répondre.
Pour que le « Grenelle » ne soit pas juste un coup de com !
Pia De Quatrebarbes - HD du 27 novembre 2019