La commission d'enquête au Sénat sur la privatisation des autoroutes aux entreprises du BTP...
Les sociétés d'autoroutes s'intéresseraient à la gestion d'une partie du réseau national non concédé, selon France Info. En 2018, mais aussi déjà en 2014, dans des documents que nous avons retrouvés, ces acteurs privés plaidaient pour une extension des concessions aux réseaux "adjacents".
Par Eric Bocquet-sénateur PCF du Nord
Où ça ? À la commission d’enquête du Sénat consacrée aux concessions d’autoroutes, privatisées depuis 2006. Elle comprend 21 membres issus de tous les groupes politiques, j’y suis en tant que représentant de notre groupe communiste CRCE.
Les travaux ont débuté en février, le rapport final sera rendu fin septembre. J’ai toujours particulièrement apprécié les travaux de commission d’enquête, il en sort souvent quelque chose. Un sujet comme celui-ci vous permet vraiment de soulever le capot du véhicule capitaliste, d’en comprendre toutes les pièces et le fonctionnement, et pourtant je suis complètement nul en mécanique.
Ainsi, en mars, juste avant le confinement, nous eûmes l’occasion d’auditionner M. Gilles de Robien (**), ministre de l’Équipement et des Transports à l’époque de la privatisation. Je lui pose cette question très simple :
« Monsieur le Ministre (il garde le titre), quelle était la raison profonde de cette privatisation ? » Sa réponse le fut tout autant : « Purement financière. »
Au moins, c’est clair.
La semaine dernière, la commission d’enquête avait convoqué M. Christian Descheemaeker, ancien magistrat de la Cour des Comptes qui avait comme responsabilité de suivre les marchés de concessions.
Aujourd’hui à la retraite, il parle avec une certaine liberté qui fait plaisir à entendre. Il nous explique, par exemple, que lorsqu’il recevait les sociétés d’autoroutes, il se sentait seul contre tous, ayant en face de lui un front uni et solidaire.
Rapport de force très défavorable.
Il raconte, un peu plus loin, qu’un certain rapport de 2014 était introuvable à l’époque, il faut l’accord du cabinet du ministre, voire plus haut.
Il décrit aussi la difficulté de repérer les sociétés de travaux publics qui sont en fait des filiales des grands groupes comme Vinci ou Eiffage.
Les autres sociétés qui viendraient à s’en plaindre seraient ipso facto « blacklistées ».
Au fait, j’ai regardé le site de Vinci et ai découvert que leur direction « Grands projets » a son siège à Doha, au Qatar, qui est d’ailleurs actionnaire du groupe.
Enfin, si un fonctionnaire exerçait un contrôle un peu trop zélé, le grand patron passerait un coup de fil « au plus haut niveau «, suivez mon regard, et ce fonctionnaire verrait l’avenir d’une brillante carrière largement compromis.
C’est en France, au XXIème siècle... Je vous raconterai la suite en septembre...
** En 2003, le ministre des Transports, Gilles de Robien, propose d’utiliser l’argent des péages pour financer l’aménagement du réseau routier mais aussi du ferroviaire... Une cagnotte qui serait gérée par une Agence de financement des infrastructures de transport. « La dette des autoroutes baissait, plusieurs millions voire milliards de dividendes allaient commencer à entrer dans les caisses de l’État, explique Gilles de Robien. Ça représentait des recettes nouvelles pour l’Agence qui allait financer les infrastructures. Ça me paraissait logique. » On voit aujourd'hui le résultat !