Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Cellule PCF ''Plantive'' de Saint-Saulve

Après une vie de combats, l’avocate anticolonialiste qui a mis son talent au service de la légalisation de l'avortement et de la criminalisation du viol est morte ce mardi, au lendemain de ses 93 ans.  

30 Juillet 2020, 18:15pm

Publié par Cellule PCF de Saint-Saulve

Après une vie de combats, l’avocate anticolonialiste qui a mis son talent au service de la légalisation de l'avortement et de la criminalisation du viol est morte ce mardi, au lendemain de ses 93 ans.   

Rebelle. Tel est le qualificatif qui revient le plus souvent pour qualifier Gisèle Halimi,

disparue mardi. Face à ce qu’elle trouvait injuste, jamais elle ne s’est tue.

 

À 80 ans, elle n’hésitait jamais à donner son avis, taclant la connivence des médias vis-à-vis de Dominique Strauss-Khan, accusé de viol, et aiguillonnant sans cesse les politiques pour qu’ils fassent avancer les droits des femmes, dont  « l'indépendance économique est le socle même des démarches de libération. C’est à partir de là que l'on peut mettre fin aux discriminations»déclare-t-elle en 2011 dans l’Humanité.

 

Dès sa petite enfance à Tunis, où elle est née le 27 juillet 1927, la petite Zeiza Gisèle Élise Taïeb fait preuve d’esprit d’indépendance et de détermination.

Fille chérie de son père qui aurait préféré avoir un garçon, elle ne suivra pourtant pas docilement ses volontés.

 

À 10 ans, elle entame une grève de la faim pour avoir le droit de lire le soir et défie les traditions religieuses juives de la famille.

À 16 ans, elle refuse un mariage arrangé, arrache à sa famille l’autorisation d’aller étudier le droit en France et revient, diplômée, à Tunis en 1949, où l’avocate défend pendant sept ans des syndicalistes et des indépendantistes tunisiens.

 

De la défense des militants du FLN au Manifeste des 343.

Elle s’inscrit ensuite au barreau de Paris, ville où elle s’installe après son mariage. Gisèle épouse en 1956 Paul Halimi, un administrateur civil. Le couple aura deux fils, avant de divorcer.

Quelques années plus tard, tout en gardant ce nom par lequel elle s’est fait connaître, elle épouse Claude Faux, ancien secrétaire de Jean-Paul Sartre.

Elle a avec lui un troisième fils. Jamais de fille. Donc, pas l’occasion de mettre à l’épreuve son engagement féministe«J’aurais voulu savoir si, en l’élevant, j’allais me conformer exactement à ce que j’avais revendiqué, à la fois pour moi et pour toutes les femmes», avoue- t-elle en 2011 au Monde.

 

Peut-être pour cette raisonelle aura avec sa petite-fille une relation fusionnelle, qu’elle analyse dans Histoire d’une passion, son dernier livre publié.

 

Si Gisèle Halimi a éprouvé un immense plaisir à être grand-mère, c’est pourtant dans la sphère publique qu’elle a fait raisonner ses engagements.

 

Au début de la guerre d’Algérie, l’avocate se range aux côtés du FLN, dont elle défendra les militants. En 1960, apprenant qu’une Algérienne de 22 ans, Djamila Boupacha, accusée d’avoir posé une bombe, a été arrêtée, torturée et violée par des soldats français, elle devient son avocate et mobilise des intellectuels français avec un comité de soutien composé de Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Geneviève de Gaulle et Germaine Tîllion.

 

Condamnée à mort en France en 1961, malgré la brillante plaidoirie de Gisèle Halimi, Djamila Boupacha sera amnistiée et libérée en 1962, après les accords d’Évian. L’avocate avait, à l’époque, consigné ce combat dans un livre paru en 1962, dont un portrait de la militante algérienne, réalisé spécialement par Pablo Picasso, figure sur la couverture.

 

Après cet épisode, la ténacité, les qualités de persuasion et l’art oratoire de Me Halimi ne sont plus à prouver.

 

C’est au service du combat féministe qu’elle va les mettre. En 1971, elle signe le Manifeste des 343 femmes, déclarant « avoir avorté, donc avoir violé la loi ».

 

Et fonde dans la foulée avec Simone de Beauvoir le mouvement Choisir la cause des femmes, qui milite pour la légalisation de l'avortement dont la pratique clandestine tue des dizaines de vies chaque année.

C’est cet engagement public qui amèneront, en 1972, une jeune fille de 16 ans, Marie-Claire, et sa mère qui l’avait aidée à avorter, à la solliciter alors qu’elles sont toutes deux poursuivies en justice.

 

S’ouvre le retentissant procès de Bobigny, où Gisèle Halimi plaide pour ces deux femmes et la légalisation de l’avortement. Avec succès: Marie-Claire est relaxée, sa mère condamnée mais dispensée de peine. Ce procès a été un moteur dans l’adoption de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse qui, portée par Simone Veil, sera promulguée en janvier 1975.

 

Une avocate opiniâtre, sûre de la justesse de sa cause Féministe convaincue, l’avocate s’engage dans une nouvelle lutte : contre l’impunité des violeurs.

En mai 1978, à Aix-en-Provence, devant les assises des Bouches-du-Rhône, elle représente deux jeunes femmes belges qui ont porté plainte contre trois hommes qui les ont violées.

 

Ils plaident non coupables.

 

Malgré une ambiance hostile et des menaces physiques, Gisèle Halimi les fera condamner. Là encore, ce procès amènera un changement législatif : en 1980, violer devient un crime.

 

L’opiniâtreté de l’avocate, sûre de la justesse de sa cause, marque les esprits.

En témoigne cette anecdote : lors d’un procès où elle plaide contre Robert Badinter, Gisèle Halimi n’hésite pas à asséner à l’audience : « Je ne me laisserai pas renvoyer à mes fourneaux par le professeur Badin­ter », taclant celui avec qui elle partage néanmoins une grande affection pour François Mitterrand.

 

Elle soutient ce dernier dès 1965 pour sa candidature à la présidence de la République en fondant le Mouvement démocratique féminin. Quand il accède à la fonction suprême, Gisèle Halimi se lance à ses côtés dans l’aventure politique et devient députée apparentée socialiste de la 4e circonscription de l’Isère, avant d’être ambassadrice de la France à l’Unesco de 1985 à 1986.

 

Puis, elle se tourne vers une autre de ses passions, l’écriture, et publie une quinzaine de livres entre 1988 et 2011. Elle garde toujours un œil sur le monde puisque, en 1998, elle fait partie de l’équipe qui crée l’organisation altermondialiste Attac.

 

Mais défendre reste jusqu’au bout sa vocation. Celle qui déclarait dans son dernier entretien au Monde, en 2019 : « Cela fait soixante-dix ans que j'ai prêté serment et, si c’était à refaire, croyez-moi, je prendrais les mêmes engagements », gardait son cabinet d’avocat parisien « encore ouvert pour faire pousser des idées».

Qu’elle soit morte sans regrets n’empêchera pas toutes celles et tous ceux épris de justice et de liberté de la regretter. Et surtout de lui dire merci. •

 

********

La CGT salue la mémoire de la militante inlassable que fut,

durant toute sa vie, Gisèle Halimi..

Ses combats pour un monde plus juste sont toujours et plus que jamais indispensables à notre société. Ils doivent se poursuivre, car, comme elle le disait concernant les droits des femmes, « rien n’est jamais acquis aux femmes, encore moins qu’aux hommes ».

Active militante contre les dominations religieuses, patriarcales et coloniales, pour l’indépendance de l’Algérie, ardente défenseuse du droit des femmes, combattante acharnée contre la peine de mort, pour la dépénalisation de l’homosexualité, pour la criminalisation du viol et pour le droit à l’avortement... 

Ses combats et son parcours personnel en font une des figures qui font honneur à la France, à notre République et au mouvement social.

Le plus bel hommage à lui rendre de la part de ceux qui, comme elles, sont empreints de justice, d’humanisme et de liberté, est de s’engager dans les combats de notre temps pour un monde meilleur et de paix.

Commenter cet article