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Cellule PCF ''Plantive'' de Saint-Saulve

EMMANUEL MACRON PARLE COMME LA MACHINE CALULE

10 Juillet 2021, 16:56pm

Publié par Cellule PCF de Saint-Saulve

Le verbe de l'actuel chef de l'Etat impressionne parfois, agace souvent. Mais il est sa principale arme pour convaincre tout en dissimulant ses intentions politiques.
Le verbe de l'actuel chef de l'Etat impressionne parfois, agace souvent. Mais il est sa principale arme pour convaincre tout en dissimulant ses intentions politiques.

Le verbe de l'actuel chef de l'Etat impressionne parfois, agace souvent. Mais il est sa principale arme pour convaincre tout en dissimulant ses intentions politiques.

Un langage que Damon Mayaffre déchiffre grâce à un algorithme capable de générer un discours macroniste pour 2022.

 

Par l'utilisation d'une novlangue, Emmanuel Macron tente de parquer son idéologie clairement libérale. Une pirouette sémantique symbolisée à merveille par l'expression « en même temps », qui vise ) faire oublier qu'il gouverne que sur sa jambe droite. Grâce à l'intelligence artificielle, le linguiste et historien membre du CNRS Damon Mayqffre, dans son livre » Macron ou le mystère du verbe », l'énigme rhétorique de celui qu'il appelle « le président du ''r'' ».

 

Votre livre s'appelle « Macron ou le mystère du verbe »?;Est-ce parce que le langage macroniste est compliqué à déchiffrer ?

Son discours est en effet un peu plus complexe que la moyenne des discours politiques. Depuis 2017, on a le sentiment qu'il cache ses fins , qu'une partie de son discours est secrète. Politiquement, il revendique un positionnement ambigu entre la droite et la gauche . Idéologiquement, il y a, dans son discours, quelque chose d'inachevé, voire d'inavoué. Même après quatre ans d'exercice du pouvoir, son message reste partiellement mystérieux.

 

Comment avez-vous procédé pour décoder le macronisme par le langage.

L'intelligence artificielle s’inspire de ce qui se passe dans le cerveau humain, où les neurones stockent des informations et des synapses les mettent en relations. On a procédé avec le même postulat pour les textes : il y a des mots qui sont des informations et les relations entre les mots produisent du sens . Dit plu clairement, on a appris à une machine comment parler de Macron avec plus de 1000 de ses prises de parole. Mais, pour faire ressortir ce qui lui est vraiment propre, il a fallu aussi lui apprendre à parler le langage de ses prédécesseurs et des principaux candidats à l'élection présidentielle de 2017.

 

Vous affirmez que le langage d'Emmanuel Macron peut se résumer à une seule lettre : le « r » ? Qu'est-ce que cela veut dire...

Quand on malaxe les discours de Macron et qu'on les compare à l’ensemble des discours de la Ve République, on s'aperçoit qu'il surutilise l'élément « r » dans des proportions statistiques incroyables.

Dans cette seule lettre tient l'ensemble du macronisme, qu'on a souvent résumé à l'expression « en même temps ».

Explication ; sa stratégie est d'utiliser des mots du changement et de les assortir du préfixe « r », qui relève de la réaction. En fait, il utilise un vocabulaire de gauche qu'il assortit d'une lettre de droite .

Par exemple, il ne dit pas « fondation », ce qui pourrait plaire à un électorat de gauche car il y a l'idée de la nouveauté, mais « refondation », pour séduire un électorat qui pense à un passé éternel. Avec les mots  « renaissance », « recréer » ou  « refondre », il tient son « en même temps » de gauche et de droite.

 

Quels sont les termes les plus récurrents dans la bouche du chef d’État ?

L'une des principales caractéristiques de Macron est l'enchaînement  « tion » ? Beaucoup du macronisme tient dans ce suffixe. « transformation », « création », « innovation », et même « révolution »…

Dans la langue française, il manque le processus ou le mouvement. C'est la façon de mettre « en marche ». Cette tendance s'observe aussi dans un point de vue grammatical : il utilise les verbes de mouvement, non pas dans leur dimension transitive , mais de façon intransitive.

Il dit par exemple « je veut transformer », mais sans complément d'objet. Il ne précise pas ce qu'il veut transformer ; chez Macron , le mouvement est une fin en soi.

 

Depuis son discours à la porte de Versailles en 2016, Emmanuel Macron est associé au mot « projet », qu'il a depuis prononcé 500 fois, selon votre décompte. En quoi ce terme est-il constitutif de son corpus sémantique ?

Le macronisme se présente comme une projection, ; donc il préfère le mot « projet » au mot « programme », qui l'obligerait à expliciter les mesures qu'il veut prendre . Avec le terme « projet », il y a l'idée que son programme politique est simplement constitué d'une sorte de « bougisme ».

Cela se traduit juste dans le nom de son mouvement : En marche.

Pour la première fois de l'histoire ed la Ve République, un parti accède au pouvoir sans qu'aucun contenu politique soit compréhensible dans son appellation. Jusqu'ici ; du Parti communiste au Mouvement démocratique (Mo Dem) en passant par le Parti socialiste ou Les Républicains, les autres partis ont toujours eu un mot dans leur nom qui fait profession de foi, qui marque leur positionnement politique.

Macron a inventé un mouvement qui indique qu'il va se mettre en mouvement… Est-ce une stratégie de communication ou un véritable corpus idéologique ?

C'est en tout cas la recette de son succès en 2017. Depuis, la suspicion d'un programme pas totalement arrêté plane toujours.

 

Est-ce que le sociologue Pierre Rosanvallon vous direz qu'Emmanuel Macron est un populiste ?

Au moment de son élection, son discours est celui du dégagisme une idée que l'on retrouve dans le discours populiste. Mais c'est un populisme du centre, de la « bien-pensance » et « pro-européen » ;

Un populisme d'un ancien énarque qui s'en prend à l'ENA. Il a fait campagne sur « ni droite – ni gauche », sur le fait que tous les partis avaient échoué avant lui, sur le « tous pourris » bien aidé par l’affaire Fillon, donc oui, on peut dire qu'il y a une dimension populiste.

 

Bien que se revendiquant « et de droite et de gauche » Emmanuel Macron met en œuvre une politique libérale, marquée à droite.

Arrivez-vous à la même conclusion ?

Son parti pris libéral est incontestable puisqu'il célèbre l'individu et affirme vouloir « libérer le marché du travail » depuis 2015. Il emprunte d'ailleurs beaucoup plus de mots de Nicolas Sarkozy et jacques Chirac qu'à François Hollande et François Mitterrand.

Mais on comprend aussi qu'il a une gêne vis-à-vis de ce discours puisqu'il cherche parfois à le dissimuler, chose devenue flagrante avec la crise sanitaire. Une autre façon de comprendre l'aspect mystérieux de son discours est de se pencher sur ses inspirations idéologiques. Par exemple, il reprend énormément Tony Blair (premier ministre britannique entre 1997 et 2007), qui a fait faire le tournant libéral à la gauche anglaise.

Et il s'en inspire libéralement : son « en même temps » est une traduction du « as weil as » de Tony Blair, qui disait déjà qu'il faut « libérer et en même temps protéger ». Mais on peut aller encore plus loin : il s'inspire d'une idéologie peu connue apparue à la fin du XIXe siècle , le solidarisme.

Elle consiste à refuser le solution socialiste, et donc la lutte des classes, pour prôner la solidarité entre patron et ouvrier. De même qu'il emprunte au saint simonisme, qui dit que la croissance économique et le progrès de XIXe siècle allaient permettre de dépasser la question des inégalités sociales , que les premiers de cordées allaient tirer tout le monde vers le haut...

L'idéologie de Macron est datée mais il ne peut pas le dire trop fort car il perdrait son principal argument rhétorique qui consiste à dire qu'il incarne la nouveauté.

 

Linguistiquement parlant, y a-t-il plusieurs Emmanuel Macron ?

La caractéristique de son discours est précisément sa richesse et sa capacité de traiter des sujets différents tout en adoptant son niveau de langue en fonction de son interlocuteur. Ce que ses prédécesseurs immédiats n'étaient pas capables de faire. S'il s'adresse à des intellectuels, il aura un registre de langage très littéraire mais, lors du grand débat, il utilisait un registre moins soutenu.

Il y a déjà là plusieurs Macron. De Gaulle pouvait parler de relations internationales mais ne comprenait rien à la société, Mitterrand pouvait discuter littérature mai ne comprenait rien à l'économie ; Mais Macron est capable de discourir sur beaucoup de sujets . Mais il y a aussi plusieurs Macron au fil du quinquennat.

Il revendique d'ailleurs ce pragmatisme. Il change donc de discours. Le coronavirus l'a beaucoup fait changer car il a ébranlé plusieurs de ses certitudes les plus importantes, et notamment l'idée qu'on était arrivé à la fin de l’État providence .

Un exemple : il a fortement milité pour le privatisation d'Aéroport de Paris mais, avec la Covid-19, il en est à réfléchir à une nationalisation d'Air France. Il est devenu plus keynésien ? Il y a un changement très récent sur le régalien. Il date de ces derniers mois , notamment sur les  « séparatismes ».

C'est la prise en compte de la conjoncture pour 2022 : on voit qu'il y a une tentative d'interdire une candidature à droite en reprenant des « mots forts ».

 

Avez-vous noté des échecs lexicaux de la part du président macron ?

Un mot aurait pu caractériser le macronisme, un mot avec lequel il aurait pu tenir les deux bouts du « en même temps ».

Le pendant du libéralisme devait être le terme « solidarité », qu'il a employé pendant la campagne . Il l'a un peu réutilisé au moment des « Gilets jaunes », puis plus fortement au moment du coronavirus. Mais, entre temps, il y a eu un crash politique et lexical : la suppression de l'impôt de solidarité sur le fortune. Se faisant, il a suicidé son propre programme lexical qui visait à promouvoir ce terme. Il s'en est lui-même privé.

 

Grâce aux données récoltées, votre machine a pu rédiger un discours de candidature d'Emmanuel Macron pour 2022. Or, il sonne creux, rempli de mots flous et sans idéologie. Pourquoi ?

Pour ne désobliger personne, Emmanuel Macron s'interdit tous les mots axiologiques, trop marqués politiquement . Il n'aime pas les mots « justice », « pauvreté », « peuple » ou ouvrier. Ce sont les mots qui reconstruisent un clivage.

Il utilise des mots généraux, pour ne pas dire creux, qui ont l’avantage de ne pas faire dissensus mais qui restent peu précis sur le contenu politique. Il est enfermé dans ce problème : « plaire à tous mais ne séduire personne ».

C'est ce que retranscrit ce discours généré par l'intelligence artificielle . Cette façon de prétendre ne pas faire de la politique est évidemment très… politique. Car c'est servir l'existant et donc la conservation, c'est refuser toute alternative politique forte. D'où le fait qu'on le place à la droite de l'échiquier : il fait fonctionner le monde tel qu'il est et refuse de le penser différemment.

Pourquoi terminez-vous votre livre en disant qu'Emmanuel Macron est une « intelligence artificielle »

Parce qu'il parle comme la machine calcule. Sa formation intellectuelle lui permet d'embrasser toutes les thématiques avec de multiples registres de langage, mais il y a un côté froid, désincarné, voire robotique.

Pendant le grand débat, il a fait presque cent heures de télévision et il n'y a eu que peu de fautes de français ou de petites phrases. Quand on l'entend parler, on se dit que son discours, huilé et mécanique, aurait pu être écrit par un ordinateur.

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