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Cellule PCF ''Plantive'' de Saint-Saulve

LE GRAND ÂGE OUBLIÉ DU QUINQUENNAT

29 Janvier 2022, 10:12am

Publié par Cellule PCF de Saint-Saulve

Suite au scandale des Ehpad  « Orpea »: en France, l'exécutif  se réveille à deux mois des élections présidentielle Suite au scandale des Ehpad  « Orpea »: en France, l'exécutif  se réveille à deux mois des élections présidentielle
Suite au scandale des Ehpad  « Orpea »: en France, l'exécutif  se réveille à deux mois des élections présidentielle

Suite au scandale des Ehpad « Orpea »: en France, l'exécutif se réveille à deux mois des élections présidentielle

LES AIDANTS EN SOUFFRANCE

 

En début de mandat, Emmanuel Macron s’était engagé à construire un projet en faveur du grand âge et de l’autonomie. Le quinquennat s’achève et ce « marqueur social » identifié en juin 2019 par Édouard Philippe comme « peut-être un des plus importants » a disparu de l’agenda présidentiel.

La crise sanitaire a pourtant révélé le manque cruel d’engagement public en faveur de nos aînés. 11 millions de Français aident régulièrement une personne de leur entourage.              La solidarité familiale, essentielle pour accompagner au domicile ou en institution les personnes dépendantes, est loin d’être suffisante. Même quand la fratrie est nombreuse, un membre est généralement désigné par le groupe pour être l’aidant principal.

Les aidants : ces grands inconnus

Le lien de filiation naturel le positionne dans une situation qui n’a rien de naturel, et dans laquelle il peut se sentir en difficulté. Selon une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée en décembre 2020, 2,4 millions de personnes sont en situation de dépendance. « Ces chiffres progressent chaque année et vont continuer d’augmenter dans les prochaines années avec le vieillissement de la population », selon Alice Steenhouwer, directrice de l’association Avec nos proches.
En effet, la Drees prévoit un Himalaya démographique en 2030, avec 3 millions de personnes en situation de dépendance. Les principales causes de dépendance sont l’âge (53 %), la maladie (45 %) et le handicap (34 %). La Nation ne répondant pas aux besoins de ces personnes, les aidants familiaux sont sur-sollicités. Selon le baromètre de la fondation April/ Institut BVA, 62 % des aidants sont en activité, et ce chiffre devrait s’accroître avec le recul progressif du départ à la retraite.

 

80 % des aidants sont soit le conjoint (73 ans en moyenne), soit un enfant (54 ans en moyenne). 8 % des enfants aidant leur parent cohabitent avec lui. Dans 60 % des cas, l’aidant est une femme. L’aidant consacre à son proche environ cinq heures par jour. Il endosse les rôles d’aide-soignant, d’aide à domicile, d’auxiliaire de vie ou de coordonnateur de soins.
Il assume les courses, les démarches administratives, la prise de rendez-vous, des traitements et des repas. Il participe à l’entretien du domicile. Le manque de professionnels de santé rend difficile l’accès à un kinésithérapeute pour entretenir la marche, à un orthophoniste pour stimuler la mémoire, aux infirmiers pour des soins d’hygiène. Et l’aidant y pallie.Cet engagement n’est pas sans conséquence sur la vie sociale et familiale. Il est souvent difficile de concilier vie d’aidant, vie professionnelle et vie privée.

Je t’aide, tu m’aides, nous souffrons

Aidants et aidés partagent une souffrance commune à laquelle ils ne sont pas préparés. Prendre soin d’une personne dépendante nécessite des compétences, un savoir-faire mais également un savoir-être, une connaissance de la maladie et des besoins qu’elle génère.
Plusieurs associations proposent une formation de soins aux aidants. C’est le cas de France Alzheimer et de l’Association française des aidants qui, en partenariat avec AG2R La Mondiale, a développé des séminaires en ligne.
Les dispositifs d’aide sont peu visibles et souvent méconnus : aide à la perte d’autonomie (APA), portage des repas, services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), ou services d’hospitalisation à domicile, dont le nombre de places est limité.
Même les Centres locaux d’information et de coordination (Clic) ont des appellations différentes selon les départements.
La loi NOTRe a dissout les CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants et éloigné l’information sur les aides existantes et le recours aux travailleurs sociaux. Les délais de traitement des dossiers s’allongent.
L’APA, destinée aux personnes âgées de plus de 60 ans, exclut les personnes plus jeunes, pourtant parfois déjà en situation de dépendance du fait d’un accident ou d’une maladie.

Le caractère chronique de la pathologie mobilise l’aidant de nombreuses années, dans un temps de présence quotidien de plus en plus long. En découle un isolement social parfois insupportable.

La reconnaissance par le bénéficiaire du rôle primordial de l’aidant est quasi inexistante. L’aidant devient l’objet de l’agressivité du malade, s’il présente des troubles cognitifs, s’il n’accepte pas sa situation de dépendance, les traitements ou les aides extérieures. Les sentiments de l’aidant oscillent entre compassion et colère vis-à-vis du proche qui s’éloigne de lui. L’impact sur la santé physique et mentale est important. Il peut aller jusqu’à l’épuisement.

Fatigue physique, troubles du sommeil, anxiété, stress, problèmes de dos... 64 % des conjoints et 45 % des enfants aidant un proche se disent fragilisés.
Près d’un aidant sur deux déclare une pathologie chronique dans les trois ans qui suivent le début de la prise en charge de leur proche.
Le risque de surmortalité est accru : un aidant sur trois meurt avant son proche.
La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 a défini le statut de proche aidant : « 
Est considéré comme aidant familial le conjoint, le concubin, l’ascendant, le descendant ou le collatéral (...) qui apporte l’aide humaine et qui n’est pas salarié. » Elle institue le « droit au répit  » qui permet au proche aidant d’une personne bénéficiaire de l’APA de dégager du temps en cas d’épuisement, ou d’hospitalisation. L’hébergement temporaire, le recours à une structure d’accueil de jour ou de nuit, ou le relais au domicile en lien avec le tissu associatif est financé à hauteur de 500 euros par an. Ridicule : le reste à charge est conséquent et dissuasif.
Depuis le 1er octobre 2020, les salariés du public et du privé peuvent bénéficier d’un « congé proche aidant ». Accordé pour trois mois renouvelables dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière du salarié, il peut être fractionné. Il prévoit le versement d’une allocation journalière de proche aidant (AJPA), dont le montant a été revalorisé au 1er janvier 2022 à 58 euros nets par jour, avant prélèvement à la source.

 

Une 5e branche à la dérive !

Ce congé maximal d’un an est un mirage dans le désert de la Macronie, quand on sait que l’aidant s’occupe de son proche en moyenne quatre ans et demi, et qu’il devra probablement accompagner d’autres personnes de son cercle familial.
Et cette mesure ne « tient pas compte de l’organisation professionnelle des salariés qui ne souhaitent pas interrompre leur activité, et qui sont parfois contraints de renoncer à des évolutions de carrière pour s’occuper de leur proche », selon le député communiste Pierre Dharréville qui portait en novembre 2021 une proposition de loi « pour une reconnaissance sociale des aidants ».

Selon une enquête de la Caisse nationale des allocations familiales, à peine 16 000 personnes ont demandé à bénéficier de ce dispositif depuis son entrée en vigueur. Certaines familles financent elles-mêmes les interventions des aides à domicile dont le salaire n’est pas attractif. Les inégalités se creusent face à la perte d’autonomie.

La saturation de l’agenda parlementaire a justifié l’enterrement de la loi grand âge et autonomie, grand chantier annoncé pour le quinquennat Macron.
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) adopté en octobre crée néanmoins une cinquième branche dédiée à l’autonomie.
Mais « un PLFFS n’a ni l’odeur ni la saveur d’une loi » déplore Annabelle Vêques, directrice de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées. « Un PLFSS ne donne pas les bras, mais les budgets. Il y a 350 000 postes à pourvoir. » Les difficultés structurelles de recrutement sont majeures. Lors des Assises nationales des Ehpad en septembre 2020, 63 % des établissements déclaraient avoir eu au moins un poste non pourvu au cours des six mois précédents.

L’autonomie du futur

Un rapport remis par Laurent Vachey, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, préconise une réforme des droits de succession en augmentant le barème de taxation sur les héritages. L’idée n’est pas nouvelle, puisque la CFDT prône déjà de « taxer la transmission de patrimoine dès le 1er euro ». Les retraités pourraient être mis à contribution, par la diminution de moitié de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite et l’alignement du taux de CSG (8,3 %) sur celui des actifs (9,2 %). L’exécutif a déjà décidé d’orienter 0,15 point de la CSG vers le risque de dépendance.

Un proche du chef de l’État déclarait dans Le Monde en septembre dernier que « Macron est convaincu depuis des années qu’il faut lier réforme des retraites et grand âge ». Ce qui expliquerait le report de cette réforme anti-sociale dans la période pré-électorale, même si le chef de l’État n’a pas encore annoncé sa candidature à sa propre succession.

Sera-t-elle d’ailleurs taxée ?
20 000 personnes dépendantes décèdent chaque année d’un accident de la vie courante, plus d’une fois sur deux après une chute. Les pompiers interviennent régulièrement pour relever une personne au sol et la laisser au domicile.

La prévention des chutes est un marché lucratif pour les opérateurs privés qui développent la télé-assistance. Même La Poste propose un service à partir de « seulement 21,90 euros par mois ».En même temps que la télé-médecine explose l’aide digitale. Des pantoufles, des cannes, des revêtements de sol connectés, détectent les chutes et alertent le proche aidant via SMS. Brigitte Bourguignon, ministre chargée de l’Autonomie, vient d’annoncer la création de 25 « tiers-lieux dans les Ehpad ». Cuisines partagées, cafés solidaires, escape games... Il s’agit d’ « ouvrir davantage sur la vie sociale » et « renforcer les solidarités entre générations ».

Si les Ehpad hors les murs ont été mis sur le banc de touche, sur le terrain, certaines structures les expérimentent. Elles accueillent en journée les personnes âgées dans ces lieux de vie sans garantir leur sécurité la nuit et les week-ends, durant lesquels il devient difficile de trouver un médecin de garde qui se déplace au domicile.

Aider les aidants : un enjeu de société à intégrer  au débat politique.

D’ici 2030, un Français sur quatre sera amené à aider un proche. Selon le co-fondateur et délégué général de la Fondation France répit, « si l’aidant flanche, le maintien au domicile n’est plus possible ».

Résumer l’enjeu de l’autonomie à la vision simpliste du financement de matériel digital prouve à quel point la complexité de la problématique n’a pas été saisie.
Confier aux marchés la réponse aux besoins fondamentaux de santé écarte l’humain indispensable dans la relation aidant-aidé.

Compte tenu du poids dont ils allègent les collectivités, les aidants doivent bénéficier d’un véritable statut, et être soutenus dans les missions qui leur reviennent faute de moyens proposés par l’État.

Il est urgent de créer des structures d’accompagnement et d’accueil dans le cadre d’un grand service public de l’autonomie garantissant à tous le droit de bien vivre, de bien vieillir, et d’être bien accompagné.

                                                                     Par Lydie LYMER - docteure en médecine

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