« C’EST HONTEUX ET SCANDALEUX » S’INDIGNE L’UNE DE SES FILLES
EST-CE UN MANQUE D'ÉDUCATION OU DE SAVOIR ? LA PRÉSIDENTE DU GROUPE BÉNI-OUI-OUI DU MACRONISME À L’ASSEMBLÉE NATIONALE, CONFOND SA CARRIÈRE DE « POLITICIENNE » PAR DES COMPARAISONS INSULTANTES ENVERS CE QUI A TOUJOURS REPRÉSENTÉ LA CULTURE FRANÇAISE AU NIVEAU MONDIAL !
Le 20 mars, alors que les députés examinent les motions de censure contre le gouvernement Borne, la présidente du groupe macroniste, Aurore Bergé, compare le Rassemblement national à l’acteur : « Tel le mime Marceau, vous gesticulez, mais vous ne parlez pas, parce qu’on vous demande de vous taire ! » déclare la politicienne, sous les huées du parti de Marine Le Pen et d’une partie de la gauche…
La phrase ne passe pas non plus auprès de la famille : « C’est honteux et scandaleux », déplore Camille Marceau, l’une des deux filles du mime, auprès de Liberté Hebdo.
Elle apprend ce qu’elle qualifie d’« instrumentalisation » lors de notre appel. « Cela dénote un manque de culture terrifiant », ajoute-t-elle.
Car avant d’être mime, Marcel Marceau a été un Résistant, au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP). Né à Strasbourg d’une famille juive, il s’occupe d’enfants juifs cachés pendant la guerre et participe même à la fuite d’une trentaine d’entre eux vers la frontière suisse.
Les propos de la députée Bergé, qui fait partie du petit cercle du président de la République, sont jugés d’autant plus « impardonnables » par la famille.
Une partie de la gauche a condamné les propos d’Aurore Bergé, tels le député européen écologiste David Cormand ou encore l’ex-ministre PS Dominique Bertinotti. Loin de se démonter, la députée macroniste a publié la vidéo de son intervention sur Twitter.
« En même temps, c’est intéressant qu'une figure comme Marceau peut être brandie à des fins politiques », observe sa fille Camille, auteure avec sa sœur Aurélia d’une autobiographie de leur père parue début avril.
« On le réduit à un clown, un pantomime du 19e un peu vieillot, alors qu’il sculptait l’espace avec son corps. Il pouvait incarner tout l’univers, explique Camille Marceau. Sur scène, il pouvait devenir poisson, plante, femmes, hommes et ce, malgré le plateau nu et l’espace vide. C’était le magicien du silence ».
Le célèbre mime a d’ailleurs une relation tout particulière avec le Nord de la France, et notamment Lille. L’histoire mérite d’être connue. La famille s’installe dans la capitale des Flandres en septembre 1928 au 48, rue de la Vignette chez une tante dénommée Fanny, pour des raisons professionnelles. L’élégant immeuble aux petites briques rouges, typique des années 20, existe toujours.
À 4 ans, le petit Marcel découvre Charlie Chaplin grâce à sa tante dans un cinéma de Lille. Pour la petite histoire, celle-ci se trompe de salle et l’enfant pleure devant un mélodrame. C’est son père qui l’emmène quelque temps plus tard voir « Le cirque ».
Une révélation. « Curieusement, il est écrit que c’est sa tante qui l’a initié à Charlot mais c’est son père, ce n’est pas anodin, cette transmission », raconte Camille Marceau. « Comme son père a été déporté après avoir été dénoncé, Charlot l’a hanté toute sa vie. »
L’enfant fait ses débuts au jardin d’enfants à la même période. « Pour lui, c’est la fin de l’enfance, il en parlera toujours avec nostalgie », selon sa fille. Quelque temps plus tard, sa famille retourne à Strasbourg et sa tante se mariera. Livre, documentaire, expositions...
Les filles Marceau tiennent à honorer la mémoire de leur père pour le centenaire de sa naissance. « Son autobiographie, c’est un manuscrit qu’il nous a confié avant sa mort, il avait tout tapé à la machine, il nous en lisait des passages », se souvient Camille Marceau, qui a accompagné son père sur scène quand elle était enfant avant de devenir elle-même réalisatrice et plasticienne. « J’ai mis très longtemps à faire mon deuil, je suis tombée dans une faille spatio-temporelle. Mon père était un artiste total, c’est important de lui rendre hommage comme il le mérite. »
Et de condamner toute tentative d’instrumentalisation politique visant le mime Marceau : « Son silence est un cri pour la liberté de l’Homme contre l’injustice », conclut Camille Marceau.
Nils Wilcke