L'Union Européenne, malade de ses états pingres (par Francis Wurtz, député honoraire du Parlement européen)

Il y avait déjà le scandale de l’accès du programme d’aide aux personnes les plus démunies d’ici à la fin 2013. Devant le tollé provoqué par cette mesure indigne, un nouveau projet de programme - mais au rabais - vient d’être mis au point par la Commission européenne. Il serait doté de 300 millions d’euros pour 27 pays, contre 500 millions pour les 19 actuellement.
Les États devront payer la différence.
Et comme cette affaire honteuse n’avait pas suffit à abîmer l’image de l’E.U. et de certains de ces États membres, voilà qu’on apprend que la Commission n’est plus en mesure d’assurer le financement des bourses « Erasmus » en 2012 : il manque 90 millions d’euros pour garantir aux dizaines de milliers d’étudiant(e)s devant effectuer leur prochain semestre d’études dans un autre pays européen la possibilité de partir.
Ce programme était pourtant jusqu’ici « la fleur à la boutonnière » de l’Union. N’a-t-elle pas célébré, il y a peu, les 25 ans de cette belle opportunité offerte aux jeunes, de s’ouvrir aux autres tout en se formant ?
C’était l’occasion d’augmenter substantiellement ses crédits afin que tous les intéressés puissent en bénéficier et pas seulement. ou 4% d’une classe d’âge comme c’est le cas aujourd’hui. À l’inverse, les États membres les plus riches ont mégoté sur leur contribution au budget 2012, au point de provoquer aujourd’hui cette impasse peu glorieuse.
Encore faut-il ajouter qu’Erasmus n’est pas la seule victime de cette obsession de l’austérité. Un autre chapitre budgétaire, moins médiatisé mais tout aussi vital pour l’avenir, celui de la recherche, est lui aussi à sec ! Sous peu, ce sera au tour des fonds d’aide aux régions d’être à court d’argent. Y compris pour les pays qui en ont un besoin crucial, comme la Grèce, qui attend 600 millions d’euros et l’Espagne, 900 millions, qui leur sont dus.
Au total, le « trou » du budget européen est de plus de 9 milliards d’euros.
Du jamais-vu !
Comme illustration d’une vision étroitement comptable, sans ambition et en contradiction totale avec les discours sur « la croissance », on pouvait difficilement faire mieux !
Le Parlement européen a, en l’occurrence, sauvé son honneur en exigeant des États pingres une « rallonge » immédiate et en rejetant le budget 2013 proposé par ces mêmes États sur le même schéma étriqué que celui de cette année.
Négociations animées en perspective…
Mais ceci n’est rien à côté du bras de fer prévisible, lors du conseil européen des 22 et 23 novembre prochain, entre chefs d’Etat et de gouvernement, où doit en principe être adopté le cadre financier (prévisions pluriannuelles) de l’Union européenne pour le période 2014-2020. Là, ce sont plus de 1000 milliards d’euros qui sont en jeu. (notamment les fonds structurels aux aides aux agriculteurs, plébiscités par les uns et jugés trop lourds par d’autres).
Entre les pays « contributeurs nets » (c’est à dire les plus riches, qui versent donc plus à l’U.E. qu’ils n’en perçoivent directement, même s’ils en profitent indirectement), ce sera à qui pourra faire supporter la plus grande part des dépenses à ses « partenaires ».
Le champion toutes catégories de l’anti-solidarité sera, une fois encore, le ministre britannique, qui a déjà annoncé la couleur ; s’il doit trop payer, il menace d’opposer son veto à tout le budget et, en tout état de cause, il exige la poursuite de la révoltante « ristourne » (de plusieurs milliards d’euros par an) que les autres Etats de l’U.E. lui concèdent depuis l’ère Thatcher, en 1984 !
Et manifestement, l’arrogance mercantile de Londres fait école...
La re-fondation de la construction européenne est décidément une urgente nécessité.