Lettre ouverte de Fabien Thiémé à Claude Greff (secrétaire d'État), au sujet de la protection de l’enfance
Retrouvez ci-dessous la lettre ouverte adressée le 22 mars par Fabien Thiémé à Madame la Secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, chargée de la Famille, au sujet de la protection de l’enfance et à l’occasion de sa venue ce jeudi 22 mars à Valenciennes.
La lettre
Madame la Secrétaire d’Etat,
Votre venue à Valenciennes ce jeudi 22 mars est pour moi l’occasion de vous alerter sur la protection de l’enfance dans le Nord.
La loi du 7 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a transféré l’entière compétence de la protection sociale et de l’aide sociale à l’enfance aux Départements. Cette extension de compétences a généré un coût financier conséquent pour les Départements, coût qui devait initialement être compensé par un Fonds National de financement de la protection de l’enfance dont les modalités devaient être fixées par décret.
Il aura fallu un recours indemnitaire contre l’Etat afin d’obtenir cette compensation financière qui s’avère très insuffisante. En effet, le Fonds National de Financement de la Protection de l’Enfance n’a attribué en 2011 qu’un financement de 1,7 million d’euros au Département du Nord alors que ce dernier consacre plus de 400 millions d’euros à la protection de l’enfance. Ce financement, vous en conviendrez, est bien éloigné des besoins, de surcroît lorsque l’on sait que près de 20.000 mineurs sont pris en charge au titre de l’Aide Sociale à l’Enfance dans le Nord.
Il va sans dire que pour le Département du Nord qui fait par ailleurs face à une situation économique et sociale particulière, cette insuffisance de financements n’est pas sans conséquences. Elle se traduit notamment par une difficulté à mettre en œuvre la réforme de la Protection de l’Enfance dans toutes ses dimensions, avec en première ligne les enfants concernés mais également les travailleurs sociaux dont l’exercice des missions se trouve fortement dégradé.
Ceci est d’autant plus vrai encore que cette insuffisance de financements s’inscrit dans un contexte global de transferts de compétences non intégralement compensés. La dette de l’Etat à l’encontre du Département du Nord du fait des compétences transférées insuffisamment compensées ou non compensées est en effet estimée à plus de 2 milliards d’euros depuis 2004.
A l’heure où le Conseil Général du Nord élabore son Schéma de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles pour la période 2012-2015, force est également de constater que celui-ci est bien seul à s’engager en faveur de l’enfance et des jeunes, comme en témoigne l’absence de l’Agence Régionale de Santé dans les débats et les engagements financiers.
Chaque jour, du fait de mesures nationales toujours plus porteuses d’inégalités, la situation sociale et économique de nombreuses familles se dégrade très fortement avec de lourdes conséquences en matière de logement, de santé, d’éducation, de pouvoir d’achat...
Si cette dégradation est flagrante dans l’ensemble du Département, elle l’est d’ailleurs encore plus dans le Valenciennois et le sud du Département. Nous assistons en effet aujourd’hui à une véritable paupérisation de nombreuses familles, ce qui, je dois bien le reconnaître, m’inquiète au même titre que bon nombre d’acteurs associatifs.
Si tous les milieux sociaux sont concernés par la maltraitance sur enfants, il convient cependant de constater que cette précarité galopante est un facteur aggravant loin d’être négligeable.
Comment en effet faire de la prévention efficacement quand des familles font face à une telle précarité qu’elles ne savent pas de quoi demain sera fait, quand elles ne savent pas comment elles vont manger demain ? Comment associer les familles dans notre démarche quand certaines d’entre elles font face aux impayés de loyers, de chauffage, ou encore d’électricité ?
L’Etat, dont les politiques menées ces dernières années ont conduit à aggraver fortement les inégalités, porte dans ce cadre une lourde responsabilité. Il est d’autant plus responsable qu’il s’est délesté de cette responsabilité essentielle qu’est la protection de l’enfance et qu’il n’a pas donné aux Départements les moyens nécessaires pour assurer cette mission aux contours profondément humains.
Cette situation inadmissible pour les enfants concernés, pour les familles, pour les travailleurs du Département doit cesser au plus vite au risque sinon de continuer à générer de plus en plus d’inégalités.
Vous en souhaitant bonne réception et dans l’attente de vous lire,
Je vous prie de croire, Madame la Secrétaire d’Etat, en l’assurance de ma haute considération.
Fabien THIÉMÉ, Vice-Président du Conseil Général du Nord et Maire de Marly