MINEURS NON ACCOMPAGNÉS dans le pays des Droits de l'Homme
UNE DIMENSION HUMAINE ET
SOLIDAIRE DU DÉPARTEMENT
Parmi les domaines qui ressortent de la compétence du conseil départemental, celui des mineurs non accompagnés (ou mineurs isolés étrangers selon l’ancienne dénomination) demeure peu connu. Il est d’autant plus important qu’il fait l’objet d’attaques répétées de l’extrême droite et d’un regard peu bienveillant de la droite. Le Nord accueille 4,5 % de ces jeunes.
Nous avons tous en tête l’histoire de Maya Magassouba, ce jeune Guinéen arrivé en France après avoir fui les violences de son pays et après avoir traversé, au prix de nombreuses souffrances et au péril de sa vie le Niger, le Mali, la Libye et la Méditerranée.
Encore mineur, en 2017, année de son arrivée dans le Nord, il avait été placé dans un foyer à Dunkerque par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Très volontaire et désireux de s’intégrer à la société française, il avait trouvé un contrat d’apprentissage dans une boulangerie, à Grande-Synthe. En trois ans, il a appris le métier de boulanger grâce au soutien de l’artisan qui l’avait accueilli, Salem Khalfat.
Alors qu’il s’apprêtait à passer son CAP et alors que M. Khalfat voulait l’embaucher en CDI, une obligation de quitter le territoire (OQTF) lui est tombée dessus. Celle-ci a été annulée grâce à la mobilisation des associations locales et des élus. Mais la menace persiste. Il ne s’agit que d’un sursis.
Son malheur, si l’on peut l’écrire ainsi, est qu’entre son arrivée sur le territoire français et aujourd’hui, il est passé du statut de mineur à celui de majeur. Il ne bénéficie plus de la protection apportée aux moins de 18 ans. De très nombreux jeunes sont confrontés à cette injustice (ils ont souvent tout fait pour s’intégrer, faire des études, travailler...).
Comme l’a rappelé le conseiller communiste du Nord, Charles Beauchamp, dans une récente intervention devant l’assemblée départementale, les Départements assurent la prise en charge de ces jeunes étrangers privés de la protection de leur famille au titre de leur compétence en matière d’aide sociale à l’enfance.
En pleine campagne électorale, le Rassemblement national redouble d’efforts pour demander que les Départements cessent d’affecter des budgets dans cette prise en charge pour les affecter à la vieillesse et aux personnes handicapées.
« Cela relève du populisme et de la démagogie, proteste l’élu communiste. Les Départements n’ont pas le choix. Si la protection de l’enfance s’applique aux mineurs non accompagnés, c’est parce c’est la Convention internationale des droits de l’enfant qui s’applique. Ce qui prime, c’est leur condition d’enfant, de mineur isolé et en danger, sans condition de nationalité. La protection de ces jeunes se fonde sur celle de l’enfance en danger, telle que prévue dans le dispositif juridique français de protection de l’enfance. »
La circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers prévoit la mise à l’abri, dans le cadre d’un accueil provisoire de cinq jours, par le Département. Cette prise en charge en hébergement est remboursée par l’État.
Ensuite, c’est la collectivité départementale qui finance. Le texte prévoit aussi l’évaluation des critères d’isolement et de la minorité par le Département. « Au cours de la période d’accueil provisoire d’urgence, peut-on lire, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d’évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement. »
« Il existe de nombreux dispositifs pour lutter contre les fraudes et vérifier la minorité et l’isolement des jeunes », explique Charles Beauchamp qui cite par exemple le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité ou la vérification de l’authenticité des documents civils.
Enfin, il faut savoir que, très récemment, le Conseil d’État a reconnu que la prise en charge des besoins vitaux des mineurs non accompagnés, notamment l’hébergement d’urgence durant une période d’attente d’évaluation, demeure une obligation à la charge du Département auprès duquel le mineur s’est présenté. Cela n’a d’ailleurs rien d’automatique, comme le prouve le témoignage que nous livrons ci-contre.
Le problème est que, si les Départements ont obligation de la prise en charge des mineurs, l’État oublie ses propres obligations en termes de financement. Reste que la campagne du Rassemblement national est particulièrement odieuse. Dans un tract distribué sur l’ensemble du territoire français, il affirme qu’un « mineur isolé étranger coûte 40 000 euros par an au Département, soit 109 euros par jour ». Or, le coût journalier varie beaucoup en fonction des Départements.
Dans le Finistère par exemple, il est de 53 euros, soit 19 345 euros par an. Dans le Nord, où l’on compte environ un millier de jeunes concernés, il est de 26 200 euros par an, soit un peu plus de 70 euros par jour pour un total de 26,1 millions d’euros par an. Le président sortant, Jean-René Lecerf, se plaint de devoir payer pour des jeunes qui auraient 18 ans et plus. Pour lui, au grand dam des spécialistes de l’enfance, la note est trop salée.
Charles Beauchamp note que la France est en la matière bien en deçà de l’Allemagne. Nous accueillons actuellement environ 40 000 mineurs non accompagnés contre 60 000 en Allemagne. Dans ce pays, toutes les communes sont dans l’obligation de recevoir un quota de ces mineurs. « La différence avec la France réside dans le fait que l’État central allemand participe financièrement, aux côtés des « landers ». En France, l’État finance très peu, contrairement aux Départements. »
Quand Maryam Bah est arrivée en France, dans le Nord, elle était âgée de 14 ans. En Guinée-Conakry, son pays d’origine, elle avait déjà été mariée deux fois et excisée à l’âge de 14 ans. « Je n’en pouvais plus. J’ai fui les violences. J’ai été aidée par le papa d’une amie. Mais quand je suis arrivée dans le Nord, le Département ne m’a pas reconnue comme mineure. Il m’a laissée dans la rue où j’ai vécu et dormi pendant des mois. » Un jour, Maryam a appelé le 115. Depuis, elle vit dans un foyer proposé par le Samu social. Elle est même scolarisée en 3ème au collège, dans la métropole lilloise. Elle souhaite devenir puéricultrice. Mais sans aide sociale à l’enfance, c’est très difficile. Sans ressources, elle est aidée par une association. Elle a introduit un recours en mars 2020 devant le tribunal de Douai. Depuis, elle attend.